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ESSAIS D’HISTOIRE PARLEMENTAIRE.

dont une administration incapable ou perfide leur avait si long-temps imposé le funeste et humiliant secours. Ces adresses se terminaient toutes par les témoignages de la douleur qu’inspirait à la nation la retraite d’un ministre si habile, si patriote, si désintéressé.

La marche des évènemens ne tarda pas à lui procurer un nouveau triomphe en justifiant les prévisions de la politique qu’il avait vainement essayé de faire prévaloir. L’Espagne ayant tout-à-fait jeté le masque qui couvrait encore ses dispositions hostiles, le nouveau cabinet, moins de trois mois après sa formation, se vit obligé de lui déclarer la guerre. Cet ennemi de plus n’arrêta pas le cours des victoires de l’Angleterre. Conformément au plan que Pitt avait préparé l’année précédente, les îles françaises de la Martinique, de Sainte-Lucie, de Saint-Vincent, la riche colonie espagnole de Cuba, furent conquises en quelques mois (1762). Bientôt après, la capitale des Philippines, Manille, éprouva le même sort.

Pitt, se bornant à repousser, dans la chambre des communes, les agressions dirigées contre les actes de son administration par les amis de lord Bute, seconda d’ailleurs très chaudement les propositions ministérielles qui avaient pour objet de donner à la guerre une vive impulsion. Il parla surtout avec une grande énergie à l’appui d’une demande de subsides faite dans le but de pourvoir à la défense du Portugal, attaqué par les Espagnols à cause de son alliance avec l’Angleterre ; il soutint que les hostilités devaient être poussées avec un redoublement de vigueur, que la France, épuisée, ruinée, n’était plus en état de faire une résistance sérieuse, et que l’Angleterre, au contraire, indemnisée par ses conquêtes des sacrifices qu’elles lui avaient coûtés, possédait encore, quoi qu’on en pût dire, des ressources qui lui permettaient de ne pas poser les armes avant d’avoir obtenu une complète satisfaction. — Les pensées que révélait ce langage étaient peu pacifiques, mais les dispositions du ministère l’étaient davantage. Lord Bute voulait sincèrement la paix, nécessaire peut-être, nonobstant les dénégations de Pitt, à l’Angleterre fatiguée par six années de combats, indispensable surtout pour donner au roi et à son favori la possibilité de mettre en pratique leur système de gouvernement intérieur. Le roi de Prusse, fier de ses victoires et réconcilié avec la Russie et la Suède, était peu enclin à une prompte pacification qui ne lui eût pas permis de se venger de l’Autriche. Lord Bute résolut de l’y contraindre en lui retirant le subside que l’Angleterre lui payait annuellement, et dont il n’était guère en mesure de se passer. Cette circonstance devint l’occasion d’une nouvelle rupture dans le sein du ministère. Le duc de