Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 5.djvu/798

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
794
REVUE DES DEUX MONDES.

occulte dont je parlais tout à l’heure. J’ai été forcé de reconnaître qu’il y avait derrière le trône quelque chose de plus grand que le trône même. » Ce discours, qui n’empocha pas le rejet de la proposition de lord Craven, devait laisser et laissa dans l’esprit de George III un implacable ressentiment.

Quelques jours s’étaient à peine écoulés qu’un nouveau débat s’ouvrit sur la situation obérée de la liste civile. Lord Chatham, par la violence de son langage, excita à plusieurs reprises les murmures de la chambre. Il s’emporta jusqu’à dire qu’un ministre assez hardi pour endetter la liste civile, pour mettre ainsi la nation dans l’alternative, ou de livrer son souverain à la honte de ne pas payer ses dettes, ou de devenir la proie d’un gouvernement corrompu, méritait la mort. À aucune époque de sa vie parlementaire, on ne l’avait vu plus infatigable, plus assidu, plus virulent dans ses attaques contre l’administration. Sans se laisser décourager par le peu de succès de ses précédentes tentatives, ou plutôt comptant bien plus sur l’effet moral que sur le résultat immédiat de ses agressions, il présenta un bill qui avait encore pour objet l’annulation de l’acte d’exclusion dont la chambre des communes avait frappé Wilkes. Dans le développement qu’il donna à sa proposition, il ne craignit pas de faire des vœux pour la dissolution d’une chambre corrompue, qui, en privant les électeurs de leurs droits constitutionnels, foulait aux pieds les lois et l’ordre politique. D’énergiques réclamations, des cris de rappel à l’ordre, couvrirent cette voix naguère si respectée.

Le conseil de la Cité de Londres ayant envoyé au roi une députation chargée de lui remettre une adresse qui réclamait la réparation de l’outrage fait au droit électoral, la dissolution de la chambre des communes et le renvoi des ministres, George III n’avait répondu aux députés municipaux que par une sévère réprimande dans laquelle cette pétition était repoussée comme irrespectueuse pour le trône, injurieuse pour le parlement, et contraire aux principes de la constitution. Lord Chatham proposa à la chambre haute de déclarer que ceux qui avaient conseillé au roi une telle réponse lui avaient donné un avis très dangereux. S’abaissant à un artifice de démagogue vraiment indigne de lui, il affecta d’imputer aux hommes qui ne partageaient pas son opinion un dédain aristocratique pour la bourgeoisie de Londres, dont il vanta outre mesure le patriotisme et l’attachement à la liberté. À cette motion, rejetée par une forte majorité, il en fit succéder une autre, pour que la chambre des pairs demandât elle-même au roi la dissolution du parlement. Il en donna pour motif le mécon-