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SIMPLES ESSAIS


D’HISTOIRE LITTÉRAIRE.




VI.

UN MORALISTE. — ESQUISSES ET PORTRAITS,

PAR M. DE LA ROCHEFOUCAULD.




S’il y a un genre d’écrits qui exige de la part de celui qui s’y livre une vocation profonde, une sorte d’aptitude innée et toute spéciale, c’est à coup sûr le genre du moraliste. Notre époque, si féconde en révélations, si ingénieuse à restaurer le passé dans ses nuances les plus diverses, garde sur ce point une discrétion exemplaire qui semble ne pas devoir se démentir. En effet, nous avons plus ou moins découvert le secret des beaux vers d’Athalie, et l’on citerait au besoin telle page d’un célèbre écrivain qui reproduit à s’y méprendre les magnificences du style de Bossuet ; mais dans cette conquête de l’esprit, je devrais dire de l’industrieuse application de notre époque sur le génie du grand siècle, l’héritage du moraliste est resté intact. On a osé aborder Racine et Bossuet ; La Bruyère, plus à l’ombre, n’a rien livré. Ainsi, dira-t-on, vous mettez sur le même rang la faculté d’observation et d’analyse et la faculté poétique, ce don du ciel par excellence ? Non, sans doute ; mais je soutiens qu’au temps où nous vivons il faudrait, pour faire un moraliste, une vocation plus déterminée, plus