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un des économistes les plus éminens de la Grande-Bretagne, et qui a mis la main à toutes les grandes réformes opérées par le ministère whig, livra à la publicité une correspondance qu’il avait échangée, sur les effets de cet acte, avec l’inspecteur le plus distingué des manufactures, M. L. Horner[1]. A ne prendre que les faits reconnus par l’un comme par l’autre, on pouvait dès-lors en conclure que la mesure avait obtenu peu de succès. Plusieurs manufacturiers, pour se soustraire à la gêne des prescriptions légales, avaient exclu de leurs établissemens les enfans au-dessus de treize ans. Un grand nombre éludaient la loi de diverses manières, mais principalement en faisant passer dans la catégorie des adolescens, à l’aide de faux certificats, des enfans qui n’étaient âgés que de onze à douze ans ; et comme les manufacturiers siégeaient sur le banc de la justice locale, le juge se trouvait souvent intéressé à laisser impunies les infractions à la loi. Dans le district industriel de Manchester, le système des relais avait peu de partisans. Il s’étendait davantage en Écosse et dans le comté d’York. Sur les 1289 manufactures inspectées par M. Horner en 1836, 524 l’avaient adopté ; mais à Manchester particulièrement, les enfans employés le matin dans une fabrique, travaillaient l’après-midi dans une autre, et leurs parens se montraient aussi hostiles à la loi que pouvaient l’être les manufacturiers.

Les clauses qui rendaient l’instruction obligatoire pour les enfans employés dans les fabriques étaient restées une lettre morte. A l’exception de quelques manufactures, dans lesquelles la munificence du propriétaire avait établi des écoles, les moyens d’enseignement avaient manqué, ou bien l’insouciance des parens et la mauvaise volonté des enfans les avaient rendus inutiles. M. Horner rapportait que sur 2,011 enfans de 13 à 14 ans examinés à Manchester en 1836, 1,067 s’étaient trouvés hors d’état de lire couramment. Or, la plupart de ces enfans gagnaient 5 à 7 shillings par semaine, et leur père 30 shillings.

De 1837 à 1844, les conséquences de la loi se sont développées dans la même direction. J’ai sous les yeux les rapports des inspecteurs pour le second semestre de 1843, et j’en donnerai quelques extraits.

M. Howel, chargé de visiter le district de l’ouest et du centre de l’Angleterre, écrit le 31 décembre : « Quant à l’emploi des enfans au-dessous de 13 ans, même aujourd’hui, dans un moment où le travail des fabriques occupe beaucoup plus de bras, je n’ai rien à changer à mon dernier rapport, dans lequel je montrais la grande diminution

  1. Letters on the factory act, by Nassau Senior.