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LA SUÈDE SOUS BERNADOTTE.

En même temps qu’il travaillait avec une intelligence si droite, une si louable persévérance, à assurer les progrès du commerce et de l’industrie manufacturière et agricole, il encourageait de tout son pouvoir l’enseignement public, les arts et les sciences. Par ses soins, les universités de Lund et d’Upsal ont été enrichies, le sort de leurs professeurs a été amélioré. Il a fait frapper des médailles pour récompenser les paysans qui se distingueraient dans leurs travaux agronomiques ; il a soutenu par son patronage toutes les académies et les sociétés utiles. Des gymnases ont été fondés par lui dans différentes villes, et de 1,009 écoles paroissiales, de 380 écoles ambulantes qui existent à présent dans le royaume, les trois quarts ont été établis depuis l’arrivée de Charles-Jean en Suède. À voir le mouvement poétique qui a illustré son règne, les savans qui se sont élevés autour de lui, on eût dit que l’enfant du Béarn avait apporté avec lui sur les froides plages de la Scandinavie l’harmonie du gai savoir et l’ardeur scientifique de la France.

Tous les hommes qui se sont signalés par des études sérieuses, par des œuvres utiles, Charles-Jean a su les reconnaître à temps et les récompenser. Les poètes aimés du peuple, Tegner, Franzen, le botaniste Agardh, ont été nommés évêques ; Wallin, à qui l’on doit un beau recueil de vers et d’excellens sermons, est mort archevêque d’Upsal. Geiier l’historien a été honoré de la bienveillance particulière du roi ; Strinnholm a reçu de lui une pension pour continuer plus librement ses recherches historiques ; Fryxell, qui a publié le plus charmant récit des annales de Suède, a été envoyé dans toutes les villes d’Europe où il pouvait trouver quelques documens relatifs à l’œuvre populaire qu’il a entreprise et qu’il continue avec tant de succès. D’autres écrivains moins connus, des jeunes gens qui en étaient à leur premier essai, des étudians qui n’annonçaient que d’heureuses dispositions, ont obtenu de la libéralité du roi les moyens nécessaires pour s’en aller en pays étranger acquérir une nouvelle instruction, et Berzélius a été créé baron et décoré du grand cordon de l’ordre de Wasa.

Ce que Charles-Jean a fait pour la Suède, il l’a tenté avec le même dévouement pour la Norvége. Forcé de conquérir par les armes ce pays dont la soumission lui avait été assurée par un traité de paix, il adoucit par tous les ménagemens possibles les mesures de rigueur auxquelles il dut avoir recours, et il entra à Christiania, non point avec la fière attitude d’un soldat victorieux, mais avec le sourire bienveillant d’un ami. Une rivalité hostile entretenue par l’union intime de la Norvége et du Danemark, par des guerres fréquentes, par les con-