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jour où, pour obéir aux ordres de son père, il laissa tomber sans résistance la couronne que les ordonnances de juillet venaient de briser. Il ne survit plus aujourd’hui de toute cette famille qu’une femme illustre par ses malheurs, et un jeune prince qui semble porter sur son front le sceau de la fatalité antique. C’est pour M. le duc de Bordeaux surtout que la mort de son oncle devient une difficulté grave. L’ancien dauphin résumait dans sa personne tous les droits ou du moins toutes les prétentions de la royauté déchue. Ces prétentions vont désormais peser de tout leur poids sur la tête de son neveu. Sa situation dans les cours européennes en sera plus délicate. Elle deviendra des plus difficiles en face de son propre parti, soit qu’il refuse, soit qu’il accepte les qualifications que son rôle nouveau semble entraîner. S’il refuse, les croyances légitimistes sont atteintes à leur source même ; s’il accepte, il commence dans l’exil un règne de droit divin. On dit les esprits sérieux du parti légitimiste fort préoccupés de cet embarras, prévu du reste depuis long-temps.

Après un débat approfondi, la chambre a consacré le principe de l’exécution des chemins de fer par les compagnies, dans les limites déterminées par la loi de 1842. Ce résultat est dû en grande partie à l’habile argumentation de M. Dumon ; mais il laisse entière la question de principe en ce qui se rapporte aux chemins de Lyon, de Strasbourg et du Nord, et l’opinion générale est que la chambre pourrait bien se mettre bientôt en contradiction avec elle-même. La nécessité d’exploiter promptement le tronçon presque terminé d’Orléans à Tours, et de donner quelque compensation à la ligne de Tours à Poitiers, l’une des plus médiocres du grand réseau, ont en effet exercé sur le vote une influence qui n’agira pas au même degré dans les trois discussions qui vont suivre. Quoi qu’il en soit, cette session dotera la France de nombreux chemins de fer, et c’était le résultat essentiel.



M. LE PRINCE DE JOINVILLE ET SES CONTRADICTEURS.

La Note de M. le prince de Joinville a soulevé quelques objections de la part des hommes du métier, et comme ces objections doivent se reproduire devant les chambres, il n’est pas sans intérêt de rechercher ce qu’elles ont de solide et de fondé.

Avant tout examen, il importe de fixer quelle est, dans ce débat, la position des gens de mer, et de voir si rien n’y trouble leur point de vue. Personne ne songe à contester leur compétence ; il s’agit de s’assurer seulement si leur opinion n’est pas dominée par des préjugés d’état et par les glorieuses traditions de l’arme à laquelle ils appartiennent. Rien de plus honorable qu’une semblable disposition, même quand elle conduit à l’erreur. Notre infériorité navale vis-à-vis de l’Angleterre, fût-elle évidente, ne saurait être acceptée par nos officiers comme un point de départ ; cet aveu blesse leur