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population ait, comme celle de la Prusse, passé tout entière quelques mois sous le drapeau : il lui faut une armée fortement organisée, toujours active et disponible ; il lui faut un corps puissant et nombreux qui, sans être, par son esprit politique, distinct de la nation, ait pourtant des mœurs et des habitudes spéciales, et dont les membres confient leur avenir et leur fortune à la carrière des armes, comme d’autres aux professions civiles et aux spéculations industrielles.

Le remplacement devient, sous un pareil régime, une nécessité manifeste, et la seule mission du pouvoir est d’en moraliser les conditions. Les comptes-rendus de la justice militaire constatent que, parmi les jeunes soldats, la proportion est d’un prévenu sur quatre-vingts, et d’un condamné sur cent trente-deux, tandis qu’elle s’élève pour les remplaçans à un prévenu sur quarante-quatre et à un condamné sur soixante-deux. Cette proportion de près du double est beaucoup plus élevée encore en ce qui se rapporte aux peines disciplinaires, d’après les livres de punition des diverses armes de l’armée.

Le projet de loi introduit des garanties nouvelles dans le double intérêt de l’ordre public et du remplacement même. Les certificats de bonne conduite délivrés par les maires devront être désormais accompagnés d’une attestation confirmative émanée des sous-préfets, les actes de remplacement seront passés par devant notaires, et la somme convenue devra être déposée dans une caisse publique, selon les formes qui seront ultérieurement déterminées par un règlement d’administration. Enfin des dispositions heureusement combinées provoquent et favorisent les remplacemens au corps. Ce sont là des améliorations véritables qui auraient frappé davantage l’opinion publique, si l’on n’avait eu le tort de les noyer au milieu de dispositions générales. La même chose avait eu lieu pour la loi sur la chasse, dont quatre articles seuls avaient de l’importance et comblaient une lacune. Puisse ce double exemple détourner les administrations publiques de ce besoin de codifier, qui est une des tentations les plus dangereuses de notre temps, avec des chambres constituées comme le sont les nôtres !

Les propositions individuelles abondent, quoiqu’elles aient été rarement converties en résolutions législatives depuis que le droit d’initiative a été attribué aux membres du parlement. La chambre a craint, en accueillant la proposition de M. Monier de la Sizerane, relative à la réduction du quorum au chiffre de cent membres, d’encourager ces habitudes de relâchement dans les devoirs de la vie publique dont chaque session atteste le progrès ; elle n’a pas voulu légaliser une négligence qu’elle conserve le droit de blâmer, sans avoir la puissance de l’atteindre. — En présence des faits qui se passent en Belgique, en Angleterre et jusque dans le royaume de Naples, il était impossible de repousser la lecture d’une proposition sur le droit de conversion de la rente 5 pour 100. Conformément à la doctrine qui a prévalu jusqu’à ce jour, les ministres ont unanimement déclaré qu’ils reconnaîtraient le principe en combattant l’opportunité. Dans la situation