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pure, etc. » Mais il est curieux d’observer dans sa correspondance par quelle progression il revint complètement de ses premiers ressentimens contre le rédacteur de la Revue d’Édimbourg. Il y a dans la manière dont il exprime les impressions que lui font éprouver les jugemens, désormais bienveillans, portés sur ses œuvres par la Revue si redoutée, un ton de naïve franchise et de bon naturel qui charme et qui touche, surtout lorsqu’on voit de quelles ombres restrictives la Revue tempérait presque toujours ses éloges. On ne me reprochera pas, je pense, de recueillir ici ces aveux, qui peuvent d’ailleurs ne pas être indifférens dans une appréciation de M. Jeffrey. L’article de l’Edinburgh sur le Giaour parut peu de temps après le mariage de M. Jefrey. « Jeffrey est allé en Amérique, écrivait Byron, qui ne s’attendait pas à être aussi bien traité, épouser une belle dont il était éperdument amoureux depuis plusieurs années… L’article sur le Giaour doit avoir été écrit par Jeffrey amoureux. » On peut juger de l’effet que produisit sur lui cet article par une phrase de son journal : « Excepté l’Edinburgh, rien ne m’a fait autant de plaisir que le billet de mistress Inchbald à Rogers, à propos du Giaour. » Revenu de sa première surprise, il écrivait quelque temps après d’un ton plus sérieux : « J’ai lu le numéro de la Revue d’Édimbourg qui vient de paraître ; on m’y fait un fort beau compliment. Je ne sais si cela est très honorable pour moi, mais cela fait assurément beaucoup d’honneur à l’auteur, parce qu’il m’avait auparavant amèrement critiqué. Bien des gens rétracteraient des éloges ; il n’y a qu’un homme de beaucoup d’esprit qui sache rétracter un jugement défavorable. J’ai souvent, depuis mon retour en Angleterre, entendu vanter Jeffrey par ceux qui le connaissent pour autre chose que ses talens ; je l’admire, non pour les éloges qu’il m’a donnés, on m’a tant prodigué d’éloges et de censures, que l’habitude m’y a rendu indifférent autant qu’on peut l’être à vingt-six ans, mais parce qu’il est le seul homme capable d’en agir ainsi après les rapports que nous avons eus ensemble… La hauteur à laquelle il s’est élevé ne lui a pas donné de vertiges. Un homme de peu de talent eût persisté jusqu’à la fin dans son système de critique. Quant à la justice des éloges qu’il a faits, c’est une affaire de goût ; bien des gens la mettent en question. » — « Je fais le plus grand cas de l’approbation qu’il veut bien m’accorder, disait-il dans une autre lettre ; ce sont les éloges d’hommes tels que lui qui donnent du prix à la renommée. » À propos du compte-rendu de Lara, il écrivait à Moore : « Le no 45 de la Revue d’Édimbourg a paru. Je suppose que vous l’avez reçu. Jeffrey n’y est que trop indul-