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LES THÉÂTRES.

cents pièces, avait été engagé par Drury-Lane pour dix ans à 40 shellings par semaine, pour composer ou plutôt pour improviser des drames et des farces ; on les lui commandait selon le besoin, quelquefois vingt-quatre heures d’avance. Une de ces pièces, jouée trois cents fois, lui valut 200 livres. « Si l’on me donnait un écu par représentation, dit-il, au lieu d’être un des plus pauvres de mon pays, j’occuperais un rang parmi les plus riches. »

Ces faits durent frapper vivement la commission d’enquête ; elle déclara que les auteurs étaient livrés à une oppression inique et intolérable, et démontra que l’intérêt de la littérature dramatique était également compromis par ce régime de spoliation. À ses yeux, la seule comparaison des procédés qu’avaient à subir les auteurs dramatiques avec la protection dont jouissaient les autres écrivains devait détourner tout auteur éminent et en renom de la carrière du théâtre. La commission insistait sur la nécessité d’assurer à l’auteur dramatique les mêmes garanties qu’à l’auteur de toute autre production, et d’empêcher que son œuvre fût représentée sans son consentement exprès ou formel sur aucun théâtre de Londres ou de la province. On voulut immédiatement porter remède à des désordres sans excuse, et, dès la session suivante, un bill, proposé par M. L. Bulwer et définitivement adopté le 10 juin 1833, établit que, par application du principe qui reconnaissait les droits exclusifs des auteurs sur l’impression de leurs œuvres pendant leur vie, et au moins pendant vingt-huit ans à partir de la première publication, les écrivains dramatiques jouiraient seuls, pendant le même temps, du droit de représenter ou de faire représenter sur les théâtres de la Grande-Bretagne et de ses dépendances les ouvrages de leur composition. Les contrevenans furent déclarés passibles d’une indemnité proportionnée au bénéfice usurpé ou au dommage éprouvé par l’auteur, indemnité qui en aucun cas ne pourrait être inférieure à 40 sh. Ce bill ne fournissait aucun moyen d’assurer le recouvrement des rétributions qu’il autorisait à établir. Pour y parvenir, les auteurs dramatiques se sont réunis en société et ont nommé des agens dans toutes les villes du royaume. Cette association autorise les entrepreneurs de théâtre à jouer les ouvrages de ses membres, moyennant un tarif dont le minimum est de 7 shellings ; cependant un assez grand nombre d’auteurs, et entre autres M. Sheridan Knowles, n’ont point voulu en faire partie et se sont constitué des agens particuliers chargés de défendre leurs intérêts.

Ce nouveau régime a dû modifier la situation des auteurs, mais certains usages révélés par l’enquête de 1832 ont probablement continué