il a conçu la déplorable entreprise de se servir du panthéisme, qu’il défigure et n’entend pas, contre la philosophie et la raison. Si le clergé, mieux inspiré et plus fidèle à ses traditions glorieuses, engageait sérieusement aujourd’hui contre le panthéisme de l’Allemagne une loyale et légitime lutte, les auxiliaires lui viendraient de toutes parts, et il les verrait sortir des rangs mêmes de ces philosophes qu’il calomnie et qu’il connaît si mal. Les esprits attentifs ne voient-ils pas à l’horizon philosophique poindre les premiers commencemens d’une réaction salutaire contre ces spéculations panthéistes dont l’Allemagne a rempli la France et l’Europe ? Depuis trente années, il est vrai, la France a honoré la littérature et la philosophie germaniques d’une sympathie et d’un enthousiasme qui sont allés jusqu’à l’engouement. On commence aujourd’hui à se désenchanter, et à admirer l’Allemagne, que l’on connaît mieux, avec plus de calme, de discrétion et de mesure. En vérité la France philosophique a été, depuis près d’un siècle, et trop modeste et trop docile. Elle s’est d’abord traînée avec Condillac sur les pas de Locke et de la philosophie anglaise. Plus tard elle a cherché dans la philosophie écossaise un refuge contre le matérialisme de Cabanis et de Tracy ; heureusement délivrée aujourd’hui de ce double esclavage, n’aurait-elle rien de mieux à faire que de se jeter dans les bras de la philosophie allemande ? Il est temps que la France se souvienne qu’elle n’a pas besoin de courir l’Europe pour y trouver des maîtres, et que, sans rester fermée aux découvertes de ses voisins, la patrie de Descartes doit avant tout être elle-même.
La nouvelle génération philosophique est entrée avec ardeur dans cette voie nouvelle. Ces systèmes qui dans un obscur lointain lui apparaissaient sous des aspects si imposans, ces spéculations audacieuses de Fichte, de Hegel, de Oken, vues de plus près aujourd’hui, sont plus froidement et plus sévèrement appréciées. On commence à s’apercevoir que cette barbare et ambitieuse terminologie ne couvre pas toujours des profondeurs, que la fausse originalité se complaît dans ces ténèbres volontaires dont l’originalité véritable n’a pas besoin ; on se souvient que Descartes prit soin de se débarrasser de ce formidable appareil de formules scholastiques quand il voulut gagner l’Europe à la philosophie la plus simple à la fois et la plus profonde qui fut jamais, que Leibnitz, tout Allemand qu’il était, exprimait aussi avec simplicité, d’un trait ferme et clair, les pensées du monde les plus originales et les plus hautes. Mais il y a des causes de défiance non moins légitimes et plus profondes. La solidité de l’esprit français n’accueille qu’avec réserve ces constructions merveilleuses où l’on se place d’em-