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émirs. La confédération des chefs était rompue : ils passaient sous le protectorat anglais ; aucun d’entre eux ne pouvait désormais négocier avec une puissance étrangère sans la participation de l’Angleterre. Les différends des émirs devaient être soumis à l’arbitrage du gouvernement de l’Inde. Le cours de l’Indus à travers le Bas-Scinde serait une route commerciale libre de tout péage de douane. Dans le Haut-Scinde, l’île et la forteresse de Bukkur étaient cédées aux Anglais, seulement pendant la durée de la guerre, et le cours de l’Indus n’était pas affranchi immédiatement des droits de douane. Cependant les émirs conservaient l’administration intérieure de leurs possessions ; ils avaient le droit de lever et d’employer à leur gré leurs revenus, de gouverner leurs sujets avec pleine souveraineté, d’entretenir autant de troupes qu’ils voudraient, et de « continuer à correspondre affectueusement avec leurs parens et leurs amis. » Quelque onéreux qu’ils dussent paraître à des chefs de tribus belliqueuses, habitués à se considérer comme complètement indépendans, les termes de ce traité furent cependant exactement observés par eux, au moment même où il semble que les désastres de Caboul leur offraient l’occasion et le moyen de secouer un importun vasselage.

L’attitude pacifique des émirs durant une crise si terrible a sans doute puissamment aidé le gouvernement britannique à tirer des Afghans la vengeance qui lui a paru nécessaire pour relever l’éclat des armes anglaises. Voici la reconnaissance qu’il leur en a témoignée.

Une seule chose pouvait justifier jusqu’à un certain point les procédés des Anglais à l’égard des émirs en 1839, c’était la grandeur des intérêts engagés dans l’entreprise de Caboul et la nécessité impérieuse d’assurer les communications de l’armée d’expédition avec Bombay. Les Anglais devaient déjà tenir compte aux émirs d’avoir compris cette nécessité et d’avoir respecté ces intérêts dans une circonstance où il leur eût été facile de leur porter des coups irréparables. Cependant à peine les armées victorieuses de Nott et de Pollock se furent-elles retirées du Caboul, que lord Ellenborough, sentant tout l’intérêt qu’il y a pour l’Angleterre à rester maîtresse de l’Indus, en annonce le dessein dans sa correspondance avec le résident de la compagnie à Hyderabad, tandis que, aux termes des traités, les Anglais devaient évacuer les postes que les émirs leur avaient cédés seulement pour les besoins de la guerre. Dans des lettres du 22 mai et du 4 juin 1842, le gouverneur-général manifeste l’intention de se procurer la cession perpétuelle des forteresses de Bukkur, de Sukkur et de Kourachi, avec les districts adjacens à ces places. Dès-lors, lord Ellenborough est