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sons, au point de vue des intérêts britanniques, pour soumettre au protectorat anglais les Mahrattes qui obéissent au radjah de Gwalior. Les Mahrattes sont une race belliqueuse. L’état de Gwalior est voisin de la province anglaise de Bundelkund, où de sourds mécontentemens germent depuis plusieurs années et pouvaient recevoir de la part des Mahrattes, soit des provocations, soit un appui. Depuis la fin du XVIIIe siècle jusqu’en 1826, ces Mahrattes avaient eu pour chef un homme actif, remuant, habile, Doulat Rao Scindia, qui, avec une armée de quarante mille hommes commandés par des officiers français, avait long-temps lutté contre l’influence croissante de l’Angleterre. Enfin l’état de Gwalior possédait un magnifique parc d’artillerie qui pouvait devenir un jour un arsenal redoutable contre la domination anglaise.

Quant au prétexte dont lord Ellenborough s’est servi pour intervenir dans les affaires de Gwalior, on en a rarement vu qui portât un défi aussi insolent que celui-là au sens commun et à l’équité. Scindia avait eu pour héritier un fils adoptif qui est mort l’année dernière, et dont le gouvernement inhabile et dissipé avait provoqué de grands désordres. Ce prince, mort lui-même sans enfans, a laissé ses droits à sa veuve, jeune fille de douze ans, laquelle, conformément aux lois indiennes, les a transmis à un de ses parens âgé de neuf ans, qu’elle a adopté. C’était donc à une reine de douze ans et à un souverain de neuf, à deux enfans, que lord Ellenborough avait affaire. Il a prétendu d’abord que les Anglais étaient engagés par traité à fournir au radjah de Gwalior des troupes pour sa défense, et que le même traité obligeait le radjah à entretenir ces troupes à ses frais. Jamais ce prétendu engagement n’avait été rempli sous les prédécesseurs du radjah actuel. Cet engagement n’existait même pas. Lord Ellenborough ne pouvait invoquer d’autre traité que celui qui avait été conclu par Scindia avec les Anglais en 1803. Or, quoique vaincu et dépouillé d’une partie de ses provinces, Scindia, à cette époque même, avait refusé péremptoirement de laisser entrer un seul soldat anglais dans ses états. Il avait consenti uniquement à ce que six bataillons fussent placés aussi près de sa frontière que le gouvernement britannique le voudrait. Lord Ellenborough prétendait encore qu’il existait depuis quelque temps dans Gwalior une conspiration contre le souverain régnant et contre l’alliance de l’Angleterre. Le ministre de ce prince aurait été à la tête de cette conspiration ; ce qui le prouvait clairement, au dire de lord Ellenborough, c’est qu’il empêchait le radjah de profiter de la brigade anglaise qui lui était offerte, qu’on le pressait même d’accepter. Le ministre et le prince persistant à nier qu’aucun traité obligeât leur