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DE LA PHILOSOPHIE CATHOLIQUE EN ITALE.

dant, auteur de quelques hymnes sacrés, presque poète, M. Mamiani avait figuré dans les mouvemens de la Romagne ; son livre donnait quelques espérances. De Paris, l’auteur parlait aux Italiens avec la tristesse de l’exilé : on lui témoigna de la sympathie. Qui pouvait prononcer des paroles amères sur un ouvrage aussi inoffensif ? M. Rosmini se montra seul impitoyable pour son adversaire, il écrivit un énorme volume dans le seul et unique but de faire un exemple et de montrer jusqu’à quel point il était possible de se contredire en Italie sans perdre les applaudissemens de quelques lecteurs. Jamais, même au cœur du moyen-âge, on n’a poussé plus loin la pédanterie et la dialectique. Le prêtre tyrolien a tout contrôlé, tout rapproché, les citations malheureuses, l’incertitude des opinions, les hésitations du langage ; il a poursuivi toutes les erreurs de conséquence en conséquence, de période en période ; il a exploité toutes les fautes de son adversaire avec une cruauté infatigable, mais sans aller jusqu’à l’injure, sans descendre aux insinuations personnelles, aux accusations politiques ou religieuses. Aux premiers coups, l’ouvrage vole en éclats ; M. Rosmini en ramasse les débris, en fait jaillir des théories qui s’y trouvent en germe et que son adversaire y avait déposées à son insu ; il les développe et en tire mille contradictions. Fatigué de tant d’erreurs, il poursuit néanmoins son travail ; vingt fois il terrasse son adversaire, vingt fois il le relève pour le seul plaisir de le terrasser de nouveau ; puis il découvre deux hommes chez M. Mamiani, et il les met aux prises, les force à se réfuter l’un l’autre. Le système, cela va sans dire, est livré dédaigneusement à la critique des autorités nationales que l’auteur invoque, et M. Mamiani, combattu par lui-même et par les théories du prêtre tyrolien, est condamné impitoyablement à accepter cette malheureuse idée de l’être possible. Votre intuition, dit M. Rosmini, étant une pensée, suppose une idée générale ; votre comparaison ne peut avoir lieu que sur deux pensées et suppose encore des idées ; votre abstraction ne peut s’exercer que sur des jugemens, et toujours vous êtes forcé d’admettre au moins une idée innée. Sans l’idée de l’être, aucune pensée n’est possible, et s’il fallait acquérir cette idée par la généralisation, comme elle exprime le plus haut degré d’abstraction, avant de penser, les hommes devraient avoir perfectionné leurs connaissances à un degré étonnant. Qu’est-ce d’ailleurs que cette intuition que vous donnez comme le premier principe de la certitude ? Est-elle une sensation ? ce serait une inconnue. Est-elle un jugement instinctif ? il faut alors en démontrer la vérité. Est-elle une connaissance ? il faut toujours la vérifier ; et si