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quelquefois le dégoût d’accepter la responsabilité de certains actes odieux qu’ils croient inutiles, et une opposition de cour secrète, détournée, impuissante, mais bien réelle.

Cette opposition forme l’essence de ce qu’on pourrait appeler le parti guelfe. Rome est menacée, on s’intéresse à Rome, et la dévotion entraîne quelques princes dans cette réaction contre l’Autriche. Si le roi de Piémont soutient la cause nationale, c’est qu’à ses yeux cette cause se confond avec celle du catholicisme. On favorise donc le clergé, on multiplie les jésuites inoffensifs par eux-mêmes, utiles pour suppléer à la police, pour combattre les tendances révolutionnaires, peut-être pour résister à l’Autriche. L’Autriche est-elle libérale ? Non, certes. Est-elle irréligieuse ? Encore moins, mais elle est gibeline, et conserve une certaine défiance vis-à-vis du catholicisme italien. Elle n’a pas oublié l’humiliation de Henri IV ; elle interdit la publication, même l’introduction des journaux ultra-catholiques, elle condamne l’obscurantisme de de Maistre, le rosminianisme même lui est suspect. L’Autriche n’admet pas non plus les jésuites ; ceux-ci ont deux maisons à Vienne, et deux fois le peuple y a mis le feu. En revanche, elle voit sans alarme ce qui ne touche pas directement à la politique, et va quelquefois jusqu’à tolérer la science. D’ailleurs le gouvernement autrichien se présente comme une énorme bureaucratie où l’on a de la peine à découvrir une volonté responsable. On peut s’indigner contre une autorité française, russe ou prussienne : le moyen de s’emporter contre des fonctionnaires sans passions, même sans zèle, agissant toujours avec la régularité d’une machine, d’après des règlemens précis, liés dans toutes leurs actions, contrôlés sur tous les points ? Quant aux garnisons autrichiennes contenues par une discipline barbare, il est bien rare qu’elles soulèvent la moindre irritation dans les basses classes. La cour vice-royale de Milan et de Venise n’a provoqué aucune de ces haines personnelles qui ont hâté la chute d’Eugène Beauharnais.

On comprend que des Italiens, désespérant du secours de la France aussi bien que de l’issue des soulèvemens, et ne pouvant néanmoins ni absoudre leurs princes, ni excuser les désordres du gouvernement de Rome, souhaitent quelquefois à leur pays cette unité gibeline que rêvait Dante. Eh bien ! c’est au nom d’une morale rigide et des idées religieuses que le parti contraire repousse ces tendances ; il s’élève contre tout projet d’une confédération italienne avec l’empereur. « Ce serait renouveler le saint-empire en Italie, s’écrie un écrivain piémontais, ce