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DE L’ÉTAT DES FORCES NAVALES DE LA FRANCE.

Le pays, à qui l’instinct de ses vrais intérêts ne manque jamais, le pays veut une marine ; il la veut forte et puissante. Cette volonté se révèle par des faits incontestables.

Seulement on ne sait pas bien quels sont les élémens essentiels, les véritables conditions de cette force dont on sent le besoin ; on ne s’enquiert pas assez de ce qui se passe ; on n’étudie pas assez la manière dont les fonds votés par les chambres sont employés. On vit toujours sur le vieux préjugé, qu’il faut être marin, c’est-à-dire posséder des connaissances théoriques et pratiques toutes spéciales, pour être apte à connaître les affaires de la marine. Et ce préjugé, entretenu par diverses circonstances, a empêché jusqu’ici beaucoup de bons esprits de se livrer à l’étude de l’état réel de notre puissance navale.

L’auteur de cette note voudrait, par quelques faits de la plus claire évidence, par quelques calculs très simples, et enfin par des raisonnemens à la portée de tout le monde, dissiper les ténèbres dont la question a été enveloppée comme à plaisir ; et s’il parvenait à la rendre ainsi accessible et familière à chacun de ceux qui peuvent être appelés à en décider, il croirait avoir rendu un service véritable à l’arme à laquelle il appartient.


Je crois pouvoir établir, sans crainte d’être contredit, que la popularité dont jouit la marine en France, que le désir ardent et si souvent manifesté d’avoir une marine forte et puissante, prennent leur source dans un sentiment qui peut se traduire ainsi :

« Sur mer, comme sur terre, nous voulons être respectés. Là, comme ailleurs, nous voulons être en état de protéger nos intérêts, de maintenir notre indépendance, de défendre notre honneur, de quelque part que viennent les attaques qui pourraient les menacer. »

Et avant d’aller plus loin, je veux qu’il soit bien entendu que je ne prétends pas faire de politique dans cette note consacrée uniquement aux affaires de la marine. Si je parle de l’Angleterre, comme de toute autre puissance, ce ne sera pas par un étroit esprit d’animosité ou même de rivalité nationale, mais bien pour faire voir, d’après ce qui se passe chez les peuples étrangers, ce que nous devons rechercher, ce que nous devons éviter. Si je parle de guerre, ce n’est pas que je veuille voir mon pays échanger les bienfaits de la paix contre de ruineux hasards : non. Je crois seulement que, pour que la paix soit digne et durable, il faut qu’elle s’appuie sur une force toujours capable de se faire respecter.