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DE L’ÉTAT DES FORCES NAVALES DE LA FRANCE.

mer, l’Asmodée et l’Infernal, qualifiés du nom de frégates. Les deux premiers ont donné des résultats satisfaisans sous le rapport de la vitesse, mais ils n’ont pu recevoir l’armement qui leur était destiné. Le Gomer, avec son approvisionnement de combustible et ses 20 bouches à feu, était hors d’état de tenir la mer ; il fallait réduire son approvisionnement ou son artillerie. On s’est arrêté à ce dernier parti. Le Gomer a navigué assez facilement, mais ce n’était plus un navire de guerre, c’était un paquebot ; il n’avait pour toute artillerie que 8 canons, 2 de 80, et 6 obusiers de 30, enfermés dans des sabords étroits sur les flancs du navire, artillerie impuissante et inutile ; et encore, dans cet état, le navire fatiguait considérablement dans les mauvais temps.

Quant à l’Asmodée, il paraît avoir mieux réussi que le Gomer ; mais l’un et l’autre manquent de puissance, et, dans le mauvais temps, leur moteur est paralysé. Quoi qu’il en soit, on reconnaît volontiers qu’à la condition de leur appliquer un mode d’armement convenable, on en ferait des navires vraiment propres à la guerre.

Avant d’aller plus loin, il sera peut-être à propos d’expliquer ce que l’on entend, en ce qui touche les bâtimens à vapeur, par armement convenable ; on va le faire en peu de mots.

On sait que, dans le navire à vapeur, l’appareil moteur est placé au centre. C’est donc là qu’est la partie vulnérable, puisque la vitalité du navire y réside, et il est vrai de dire que, dans la vapeur, le centre ou le travers est le point faible.

Les extrémités, au contraire, par leur éloignement du moteur, par l’acuité de leurs formes et leur peu de surface comparée à celle du travers, protègent mieux ce moteur ou le mettent moins en prise.

C’est donc là qu’est le point fort.

Ce principe est fondamental ; il établit une différence tranchée, essentielle, entre le navire à voiles et le navire à vapeur ; entre leur mode de combattre ; entre l’armement qui convient au premier, et l’armement qui convient au second.

Dans le navire à voiles c’est le travers qui est le côté fort ; on y a développé une nombreuse artillerie ; il est donc convenable, il est rationnel de le faire combattre en présentant le travers ; de là, la ligne de bataille et tout le système de tactique dont elle est la base.

Mais dans le vapeur, où les conditions de force ne sont plus les mêmes, où le travers est au contraire le point faible, est-il également convenable, également rationnel d’armer le travers, puisqu’en y plaçant du canon, c’est dire qu’on l’offrira aux coups de l’ennemi ?

Non ; à moins de nier le principe qui vient d’être énoncé, cela n’est ni convenable ni rationnel.

Admettant ce principe, il est facile d’en tirer la conséquence : si l’avant et l’arrière sont les points forts dans le bateau à vapeur, c’est par là qu’il faut combattre, qu’il faut attaquer et se défendre ; c’est l’avant et l’arrière