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manquait ; la mélancolie et la tendresse, ces doux et nécessaires élémens, ne s’étaient pas développés sous le soleil ardent de cette ambition précoce. Pour l’admirable travail d’artiste, il rappelle ce bon Charles Nodier et Victor Hugo. L’élaboration infatigable de la volonté lui donne des couleurs ardentes, des formes vaillamment accusées, des images d’une netteté précise, presque toujours physiques et matérielles, comme la jeunesse les trouve et les comprend. Pour que sa supercherie eût du succès dans son siècle, il lui manquait les défauts et les affectations à la mode, la fausse vie pastorale et sauvage, ces héroïnes vaporeuses, cette molle et fade tristesse, cette mélancolie nuageuse qui enivrait les femmes et les gens de cour.

On ne le lut guère, tout en plaignant sa mort. On ne sut pas même reconnaître en lui un vrai chef d’école, le porte-étendard et l’initiateur des archéologues romanesques ; — le père de Strutt[1] ; — le grand-père de Walter Scott.


La France n’avait alors ni ces intérêts ni ces combats. Le peu de falsifications qu’elle subissait se réduit à une ou deux chansons attribuées à Henri IV et à Marie Stuart ; je sais que l’on trouve encore aujourd’hui des âmes innocentes qui croient pieusement que Henri IV a inventé, en s’accompagnant du luth, la chanson célèbre :

Viens, aurore,
Je t’implore...

Les biographies universelles ne tarissent pas d’éloges en faveur des vers gracieux attribués à Marie Stuart :

Adieu, plaisant pays de France, etc.

Rendons-les à un journaliste du XVIIIe siècle, fabricant de pastiches ingénieux, de Querlon, qui avoue son innocente fraude dans une lettre à l’abbé Mercier de Saint-Léger. Lorsque la rénovation anglaise du moyen-âge, opérée par l’évêque Percy, éditeur des vieilles ballades, eut pénétré en France, le marquis de Surville essaya et fit réussir parmi nous une œuvre analogue à celle de Chatterton. Nous ne parlerons pas de lui ; la matière a été épuisée ici même par M. Sainte-Beuve, qui a très finement et complètement indiqué, à son ordinaire[2], la petite veine archéologique qui jaillissait de Lunéville et

  1. Auteur de Queen-Hoo-Hall.
  2. Clotilde de Surville, dans la Revue du 1er  novembre 1841.