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avec lequel il est uni par des traités publics et secrets ; toute conversation tenue par un agent étranger avec ce petit sultan doit être immédiatement transmise à Bombay avec la plus parfaite soumission. Ce cas s’est déjà présenté. Là, comme chez les radjas, la politique extérieure est dictée par l’administration britannique. Que pourrait refuser l’iman à la nation généreuse qui s’est empressée de le secourir lui-même contre les hordes fanatiques des Wahabites[1] ? Il est négociant aussi comme le pacha d’Egypte, mais plus traitable que celui-ci, moins puissant, quoique assez fort encore pour tenir la haute main parmi les petits cheicks de la côte. Grâce à la protection dont il jouit, son commerce a prospéré ; non-seulement il a ses colonies sur le littoral de l’Afrique orientale, mais encore il afferme à la Perse l’île d’Ormuz, une grande partie des îles voisines, et toute la plage qui relève de Bander-Abassy, l’ancienne Gomerom. Cette ville si florissante sous le schah Abbas, qui la mit en réputation après avoir enlevé Ormuz aux Portugais en 1622 (avec le secours des Anglais), est bien déchue aujourd’hui ; durant l’été, des brises empestées la rendent inhabitable ; durant l’hiver, le peu de sécurité des routes qui la mettent en communication avec Kerman, Chiraz et Ispahan, en éloigne les commerçans. Ce qu’a perdu cette ville, Bouchir l’a gagné ; l’autorité du résident anglais n’a pas tardé à croître dans la même proportion. M. Fontanier, qui a visité Bouchir à plusieurs années d’intervalle, y a fait, à cet égard, les remarques suivantes : « Le résident de cette place devint le résident du golfe Persique... On lui donna une garde de cipayes qui, à mon premier passage, logeaient dans la résidence, maison assez humble et mal construite. Quand j’arrivai la seconde fois, les places qui l’entouraient avaient été déblayées, on avait fait des murs plus épais et flanqués de tourelles ; les cipayes étaient plus nombreux et campés sur un terrain ouvert autour du pavillon. On voyait, sous un hangar, de l’artillerie, qu’on avait introduite sous prétexte de la vendre au gouvernement persan... En un mot, non-seulement la résidence était à l’abri d’un coup de main, mais des soldats malhabites comme ceux de la Perse n’auraient pu s’en emparer

  1. Une première expédition, qui ne consistait qu’en un régiment de cipayes, périt avec le chef anglais qui la conduisait. Le gouvernement de l’Inde, pour racheter cet échec, envoya une véritable armée, composée de plusieurs régimens d’infanterie (parmi lesquels un régiment d’Européens), de quatre corps d’artillerie, et de deux compagnies de pionniers : en tout, trois mille hommes. Vingt navires accompagnés de quarante bateaux arabes portèrent ces troupes sur la côte, près de Zoar, ville jadis très forte, qui se soumit à Albuquerque. Cette seconde expédition sauva l’iman menacé jusque dans les murs de Mascate, et détruisit Ben-Bouh-Ali, capitale des Wahabites, située à soixante-dix milles de la mer.