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nous affichons à l’étranger les idées anti-chrétiennes et l’indifférence religieuse, nous y perdons notre crédit » Quelle confiance inspirons-nous à nos coreligionnaires d’Orient, si nous méprisons ouvertement ces dogmes pour lesquels ils sont chaque jour exposés à des avanies, à de mauvais traitemens, et même à la mort ? Le gouvernement français est le premier qui ait eu des relations avec l’Orient ; « il ne remplit pas dans ces pays le rôle de missionnaire pour y étendre son influence ; les populations chrétiennes existaient quand elles furent conquises par les Turcs ; nous n’avons rien fait que de très naturel, rien que de très honorable, en cherchant à adoucir leur cruelle position. » Qu’on y prenne bien garde : si nous avons continué le rôle qui nous était assigné par les capitulations, qu’ont fait l’Angleterre et la Prusse, lorsque, de compte à demi, ces deux puissances se sont imaginé d’installer à Jérusalem un évêque protestant[1] ? Vis-à-vis de la Turquie, elles ont violé le droit des gens, « changé en intrigue ce qui, pour la France, l’Autriche et la Russie, est l’accomplissement d’un devoir….. ; elles n’avaient pas plus le droit d’agir ainsi que le roi des Français n’aurait celui de nommer l’évêque de Constantinople ; l’empereur de Russie, le patriarche grec. » Vis-à-vis de la France, l’Angleterre, en s’associant la Prusse, qu’on n’est pas habitué à voir s’immiscer dans les affaires d’Orient, s’est placée sur le pied d’une rivalité indirecte, mais redoutable. Elle s’est montrée sous une forme nouvelle près du saint sépulcre, qu’elle avait abandonné depuis le jour où son nom se trouva rayé des huit langues de l’ordre de Malte, dont trois représentaient la France. Les chrétiens de Syrie, en voyant paraître l’Angleterre, ont pu croire que notre nation perdait de sa puissance ; il ne leur vient pas à l’esprit que les deux peuples puissent s’élever en même temps, que l’un ne se dépouille pas de tout ce que gagne l’autre. Ce partage de protection n’est pas possible ; celle qu’accordait la France est-elle donc insuffisante ? Cependant les catholiques d’Orient ne s’en sont jamais plaints. « Parmi les Chaldéens même, il existe une coutume touchante, nous apprend à cet égard M. Fontanier : c’est, quand ils sont dans une église française y de prier non-seulement pour leur seigneur le roi des Français, mais d’ajouter des

  1. En 1841, un prêtre protestant de Madras vint à Pondichéry pour y instituer un prêche. Le gouverneur d’alors, M. de Saint-Simon, lui répondit : « Nous n’avons ici, à ma connaissance, que des catholiques, des musulmans et des idolâtres ; vos offres sont parfaitement inutiles. Si vous me présentez une liste d’habitans qui réclament un temple réformé, je ne pourrai refuser votre demande ; mais jusque-là abstenez-vous. » C’était en petit l’histoire de l’évêque protestant de Jérusalem.