Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 6.djvu/859

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

provoquer les esprits ? Cette poésie politique qui commençait si humblement va s’irriter bientôt et s’emporter jusqu’à la plus fière éloquence. M. Hoffmann, dans un nouveau recueil publié l’année dernière sous le titre de Chansons des rues (Gassenlieder), s’exprime ainsi à propos de sa révocation :


« J’ai été professeur, me voilà destitué. Autrefois je pouvais faire des leçons ; que puis-je faire maintenant ?

« Maintenant je puis penser, je puis chanter ; j’ai la liberté d’enseignement, et personne ne me gênera plus, d’aujourd’hui jusque dans l’éternité.

« Point de ministre qui m’inquiète, point de majesté, point d’étudians ni de philistins, point d’université non plus.

« Rien n’est perdu. Professeur ou non, on trouve encore des yeux et des oreilles quand on écrit et dit la vérité.

« On trouve encore de fidèles compagnons, quand on se bat pour le droit et que partout on rompt vaillamment des lances pour la liberté.

« On trouve encore une jeunesse pleine de vertu et de courage, quand on fait le bien soi-même avec courage et vertu.

« Je lève mon verre et bois à mon salut : oh ! puisse la patrie jouir un jour de cette libre vie !

« On a enterré le professeur ; un homme libre est ressuscité. Que puis-je désirer de plus ? vive la patrie ! »


Il a le droit de s’exprimer ainsi ; déjà, dans ses Chansons des rues, il y a un accent plus ferme que la vengeance inspire, et comme introduction peut-être à des recueils nouveaux qu’il annonce, il jette aux princes d’Allemagne un défi énergique dans sa chanson de Michel, quand il leur crie : « Vous avez réveillé Michel en 1813, vous ne le rendormirez plus ! » Mais ce sont surtout ses successeurs qui ont ajouté une corde à sa lyre. M. Hoffmann avait fait une chanson sur le crieur de nuit ; voici ce qu’il disait :


« Le coq chantait dans la campagne : « Vous qui reposez dans les liens du sommeil, soyez alègres et dispos maintenant. Le jour commence, la nuit a disparu. »

« Le veilleur était debout sur la tour et criait : « Soyez dispos ! j’aperçois l’aube du jour. Debout ! debout ! la nuit a disparu. »

« Alors on se leva ici et là. On jeta le coq dans la marmite, on coupa la tête au veilleur, et on se remit à dormir.

« Qui voudra encore être le coq ou le veilleur ? Qui nous réveillera du pesant sommeil pour la prochaine aurore de la liberté ? Nous dormons jusque dans le jour. »


Eh bien ! ce veilleur à qui on a coupé la tête, pour effrayer les