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on ne le réfutait pas ; et puis, l’appareil scientifique qu’il affecte pourrait faire illusion à quelques-uns.

M. Arnould Fremy, qui se porte aujourd’hui pour juge absolu du véritable esprit de la poésie grecque et de la simplicité antique, a commencé, il y a une quinzaine d’années, sous des auspices bien différens. Il serait peu généreux en toute autre circonstance de s’en souvenir, et de venir rappeler des ouvrages de lui appartenant par leur nuance à la littérature la plus moderne, et qu’il semble avoir si parfaitement oubliés ; mais tout se tient, et il est des contre-coups bizarres à de longues distances. M. Fremy qui, jeune, ne trouva pas à ouvrir sa voie dans les tentatives d’alors, et qui dissipa ses premiers efforts dans les conceptions les plus hasardées, fit preuve, à un certain moment, d’une volonté forte et d’un bien rare courage : il rompit brusquement avec cette imagination qui ne lui répondait pas, avec ce passé qu’il avait fini par réprouver ; il aborda les études sévères, les hautes sources du savoir et du goût, et il en sortit après plusieurs années comme régénéré. Une thèse de lui sur les variations de la langue française au XVIe siècle vint attester à la fois la précision des connaissances et l’orthodoxie des principes. Cette orthodoxie, il est vrai, pouvait bien sembler un peu étroite et se ressentir de ces excès de rigueur qui sont ordinaires aux grands convertis ; mais il y avait lieu aussi de penser qu’une fois hors du cercle des thèses universitaires et en possession des gloires du doctorat, rentré dès-lors dans le champ libre de la littérature, l’auteur trouverait un juste tempérament, et que l’ami, et un peu le disciple de Stendhal, saurait échapper aux formules du dogme. Nous croyons encore M. Fremy très digne de ce rôle mixte, à la fois sérieux et point pédant ; il a eu pourtant au début une inspiration malheureuse, selon nous : il y avait peut-être à faire un meilleur usage de ses acquisitions classiques que de commencer par les tourner contre André Chénier, et de venir déclarer en suspicion une muse en qui le parfum antique est universellement reconnu.

Je m’étais toujours figuré, je l’avoue, un rôle tout autre pour un homme de l’école moderne, de cette jeune école un peu vieillie, qui se serait mis sur le retour à étudier de près les anciens, et à déguster dans les textes originaux les poètes : c’eût été bien plutôt de noter les emprunts, de retrouver la trace de tous ces gracieux larcins et de nous initier à l’art charmant de celui qui se plaisait souvent à signer : André ; le Français-Byzantin. Sans doute, en considérant avec détail les maîtres, on aurait pu trouver plus d’une fois que l’imitateur n’avait pas tout rendu, qu’il était resté au-dessous ou pour la concision