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derniers devoirs à l’un de ses plus illustres membres, a été pour le cabinet un événement heureux. Les impressions se sont refroidies, et, en rouvrant aujourd’hui sa séance, l’assemblée était déjà dans une disposition d’esprit très différente de celle où ce débat l’avait laissée l’avant-veille. Elle avait évidemment le désir de recevoir des explications de nature à lever les doutes graves qui pesaient en ce moment sur sa pensée. M. le ministre des affaires étrangères a été à la hauteur du rôle difficile que venait de lui imposer son redoutable adversaire. Rarement ce duel, qui semble depuis six années l’une des conditions du gouvernement représentatif en France, a pris de plus grandes proportions que dans ces deux séances. Les faits suivans résument les explications de M. Guizot.

Selon le ministre, M. l’amiral de Mackau n’a terminé et n’a reçu mission de terminer que la guerre avec Buenos-Ayres ; il a constamment refusé, malgré la demande formelle d’intervention adressée par Montevideo, d’agir pour arrêter la guerre que cette république soutenait contre l’état Argentin. Ceci, selon le ministre, résulte implicitement de la protestation même du gouvernement montevidéen contre le traité signé par l’envoyé français, protestation qui a suivi immédiatement la signature. La République Orientale n’a point obtenu d’être portée au traité, comme elle le désirait ; elle n’est donc pas fondée à se plaindre de la durée de l’état de guerre, du moins quant à la France, et celle-ci n’a aucun devoir vis-à-vis de ce pays. Jamais, selon M. Guizot, le traité de 1840 n’a été entendu autrement par les deux parties belligérantes. La garantie stipulée par l’article 4 n’interdit autre chose qu’une réunion territoriale, si le sort de la guerre mettait jamais Rosas dans le cas de la tenter. M. de Lurde, à la fin de 1842, a réclamé, il est vrai, la rentrée des troupes de Rosas sur le territoire argentin ; mais il a agi par voie de médiation, et nullement en raison des obligations imposées par le traité. Cette offre de médiation fut déclinée, quelques efforts que fissent pour le déterminer à l’accepter les deux ministres de France et d’Angleterre. En cela, Rosas a usé d’un droit incontestable, et, si nous pouvons le regretter, nous n’avons pas mission de nous en plaindre et d’exiger un redressement. M. le ministre des affaires étrangères a expliqué, d’une manière sinon péremptoire, du moins très habile et très spécieuse, les deux phases différentes signalées par M. Thiers dans la conduite de M. Pichon ; enfin il a produit une convention, signée par Oribe et le commandant des forces françaises, qui stipule le respect le plus scrupuleux des droits de tous les Français dans la lutte en ce moment engagée. Quant à la menace de dénationaliser les Français qui n’adhéreraient pas à la politique du gouvernement de leur pays, M. le ministre n’y a vu que l’application nécessaire d’un article du code civil, et c’est surtout dans l’Amérique méridionale, au milieu de ces dissensions sans espérance et sans issue, qu’il faut rappeler à l’exécution rigoureuse de ce principe. Enfin, sans abdiquer aucune des obligations qui pourraient résulter éventuellement du succès du dictateur de