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survivant à un autre âge[1]. Resté célibataire par dévotion, vivant dans la solitude, éloigné de la société par l’effet de cette susceptibilité, quelquefois injuste, mais respectable, qui naît de l’attachement à un certain idéal de perfection et de simplicité du cœur qui rend l’esprit délicat et difficile ; disant chaque jour son bréviaire avec la régularité d’un prêtre ; marquant par des prières chacun des anniversaires inscrits au nécrologe de Port-Royal ; aimant Dieu comme on ne sait plus l’aimer, ayant réduit sa vie ici-bas à ne plus être qu’une aspiration vers l’éternité, tel était ce vieillard en qui s’est éteint, il y a peu de mois, un des derniers jansénistes. »

Dans ce même voyage d’Auvergne, M. Faugère trouvait un portrait précieux, celui de Pascal, jeune et beau, dessine au crayon rouge par la main fraternelle de Domat La feuille de papier du portrait avait été collée sur l’intérieur de la couverture d’un gros livre, d’un Corpus juris ont Domat se servait habituellement, de sorte que, chaque fois qu’il feuilletait le livre, l’image de son ami lui repassait sous les yeux. Ce volume appartient à la bibliothèque d’un conseiller à la cour de Riom qui autorisa M. Faugère à faire prendre un fac-simile du dessin ; on l’a dans l’édition.

Je pourrais insister sur bien des détails de cette édition nouvelle, en tirer peut-être quelques remarques piquantes sur les leçons successives dont on a essayé et dont plus d’une vient ici s’évanouir, mais on me permettra de m’en tenir à quelques réflexions plus générales que je ne crois pas moins essentielles, car il y a long-temps que, moi aussi, j’ai le cœur gros sur Pascal et que j’étouffe bien des pensées.

D’abord, en reconnaissant combien les éditions précédentes étaient défectueuses, je ne saurais blâmer les premiers éditeurs, ceux de Port-Royal, comme on l’a fait trop unanimement. M. Faugère, avec un tact parfait, se garde d’insister sur ce blâme ; mais, en racontant et en développant les inexactitudes littérales qui ont été commises d’après divers motifs, il semble apporter de nouvelles preuves contre ces excellens hommes. Il y aurait beaucoup à dire en leur faveur, leur décharge et à titre de circonstances très atténuantes. On le sait, la paix de l’église venait d’être conclue ; les Arnauld, les Nicole, les Saci, sortaient à peine de la retraite ou de la prison. On leur propose de s’occuper des papiers de Pascal mort depuis quelques années, et d’en tirer quelque

  1. M. Bellaigue avait reçu une partie de son éducation du Père Guerrier l’oratorien, et celui-ci était intimement lié avec Marguerite Perier : ainsi, entre M. Bellaigue et Pascal, il n’y avait que deux personnes.