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forte que la valeur réelle donnée par le gouvernement aux monnaies d’argent[1].

Il faut admirer vraiment quel soin judicieux sir Robert Peel a porté dans l’explication de ses principes sur le système monétaire, dont il a fait ressortir les nombreuses adhérences avec le papier de circulation. Il faut admirer aussi quelle sûreté de vues il a montrée dans l’examen des bases sur lesquelles l’émission du papier doit être fondée, et enfin quelle sollicitude jalouse il a mise à élucider tous les points douteux de la question. On ne peut être cependant complètement d’accord avec lui sur l’action par trop inquiétante qu’il prête au papier-monnaie dans la circulation. Il voit les effets de cette défavorable influence dans les déplacemens de la monnaie métallique, dans la dépréciation des changes et dans les fluctuations des marchandises. La question, quoique se présentant sous ces trois faces, peut se réduire à une seule, puisque lingots, monnaies métalliques, changes et marchandises, ayant une valeur échangeable et ayant causé un frais de production, ne sont qu’une seule et même chose, une marchandise. Le papier- monnaie ne participe que dans une faible proportion à cette propriété, et seulement comme instrument dans les échanges. Quant aux frais de production, il ne faut pas les compter, et la valeur échangeable est entièrement relative ; tantôt, en effet, le papier-monnaie représente trois et quatre capitaux en numéraire, lettres de change. Ou marchandises, et tantôt il ne représente plus que la moitié ou le vingtième d’un seul capital. Il y a en économie politique un principe passé en axiome : c’est que le papier de circulation économise le métal. Or, cette partie de métal économisée entre elle-même dans la circulation comme source d’une nouvelle masse d’échanges, prenant ainsi un rôle multiple au lieu du rôle unique qui lui était destiné en n’entrant dans la circulation que comme espèce monnayée. Tel est le premier avantage qui découle de la création du papier-monnaie ; mais ceux que produit la marche de ce papier dans la circulation sont innombrables. L’état qui adopte le papier-monnaie voit accroître, dans une proportion prodigieuse, non peut-être la richesse nationale, mais ses moyens d’action dans la sphère commerciale et industrielle. L’entrée du papier-monnaie dans la circulation met au service du présent toutes les ressources de l’avenir sans affecter pourtant celles-ci. Un capital s’élèvera ainsi par une marche continue à la puissance de trois et quatre capitaux. La disparition du papier-monnaie réduit au contraire le capital à sa seule et unique valeur, à celle que représente la somme disponible en espèces monnayées. Il est certain que là où se rencontre le papier-mon-

  1. La monnaie d’argent que le gouvernement s’est réservé le droit de fabriquer n’est, en Angleterre, que représentative, comme les monnaies de cuivre en France. En Angleterre, il n’y a guère qu’un quinzième au plus, en poids, en monnaies d’argent de ce qui existe, en poids, en monnaies d’or. En France, Un tiers seulement est en or.