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Birmingham n’a pas cette puissante, mais dangereuse unité ; les applications de l’industrie y sont innombrables. A l’exemple de Paris, cette ville fait un peu de tout, le fait bien, et au plus bas prix. Seulement Paris recherche davantage le beau, et Birmingham, l’utile ; le génie mécanique opère ici les mêmes prodiges qu’enfante là le sentiment de l’art. A quelques égards, Birmingham est comme une succursale de Paris ; nous fournissons les modèles que copient les ouvriers du comté de Warwick. Le principal fabricant de boutons ; à Birmingham, M. Turner, déclare qu’il est obligé d’avoir un établissement à Paris pour en tirer les dessins et les ornemens que les ateliers nationaux ne sauraient fournir[1].

Un autre côté par lequel Birmingham se distingue des grands centres manufacturiers, c’est l’ancienneté de ses industries. Il n’y a rien là qui ressemble à ces gigantesques cités improvisées en moins d’un demi-siècle par la jenny et par la machine à vapeur ; Birmingham est véritablement l’œuvre du temps. Les fabriques diverses que cette ville renferme ont chacune leur date et se sont établies à leur heure, le sol industriel se formant peu à peu de ces couches superposées. Avant la révolution de 1688, Birmingham devait à sa proximité des mines de fer et de houille l’activité qu’y avait déjà prise le travail des métaux. Ce travail fut borné d’abord à la quincaillerie grossière : la fabrication des clous, qui s’opère aujourd’hui par des moyens mécaniques, occupait alors une multitude d’ouvriers ; les femmes à demi vêtues maniaient le marteau comme les hommes ; les échoppes des cloutiers bordaient les avenues de la ville, et la population de Birmingharn, telle que la décrit Hutton en 1741, n’était qu’une tribu de forgerons.

Après la révolution de 1688, une commande du gouvernement, obtenue à propos, y naturalisa la manufacture des armes à feu, manufacture aujourd’hui si considérable, que, de 1804 à 1818 seulement, les ateliers de Birmingham ont pu livrer, soit à l’état, soit au commerce, cinq millions de fusils, de pistolets ou de mousquetons. En ce moment, ils fabriquent dix à douze mille canons de fusil par mois ; la guerre survenant, cette fabrication serait aisément doublée. Le gouvernement, secondant l’essor d’une industrie aussi profitable à sa politique, a établi à Birmingham un tir d’épreuve où l’on essaie les canons de fusil avant de les monter. Bientôt la manufacture des armes blanches est venue se placer, comme un complément naturel, à côté de la manufacture des armes à feu : en sorte que cette ville alimente encore les arsenaux de

  1. Children’s employment commssion’s report.