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la verdure, selon ; l’expression de M. Horne, que pour avoir été piquées par une ortie ! Dans la cosmogonie du christianisme comme dans celle de l’antiquité, les tortures ne frappent que les adultes ; il était réservé à notre siècle d’inventer un enfer pour les jeunes enfans.

Ce que devient cette génération élevée dans la servitude, on le verra dans la peinture que trace M. Horne de l’état social à Wolverhampton :

« Le nombre des ouvriers sobres et réguliers dans leur industrie est très limité. Les femmes n’ont pas d’économie, ni les hommes de retenue. Les femmes s’enivrent rarement, mais elles lâchent la bride au penchant de leurs maris pour les dépenses extravagantes. Tant qu’il y a de l’argent dans la maison, la famille mange et boit à discrétion, restant dans ses haillons et ne songeant pas à remplacer son mobilier délabré. La majorité des ouvriers ne travaille pas le lundi ; la moitié d’entre eux travaille peu le mardi. Le mercredi est le jour du marché, et cela sert d’excuse à plusieurs pour ne faire qu’une demi-journée. Enfin, leur présence au marché a souvent des conséquences qui les rendent incapables de travailler le jeudi pendant la matinée. Aussi voit-on briller la lampe ce jour-là, dans les ateliers des petits fabricans, jusqu’à dix ou onze heures du soir Le vendredi, la ville est silencieuse, on ne rencontre personne dans les rues principales ni dans les carrefours :: on dirait que les manufacturiers l’ont abandonnée ; mais les ateliers sont éclairés bien avant dans la nuit et souvent jusqu’au lendemain. Le samedi matin, les rues présentent la même solitude. Chacun travaille pour vivre. Les petits fabricans font travailler leurs femmes, leurs enfans et leurs apprentis presque jusqu’à les tuer[1]. Les coups de poing, les soufflets, les malédictions, sont administrés libéralement aux enfans à ce moment critique de la semaine Le fabricant lui-même ne s’épargne point, et ne quitte pas l’ouvrage même pour prendre ses repas. Quand il n’y passe pas la nuit, il s’y met dès quatre ou cinq heures du matin, jusqu’à ce que, par des efforts qui vont presque à une férocité de travail, et en déployant la plus grande habileté il parvienne à terminer en trois jours la tâche de la semaine.

« Le samedi, vers deux heures après midi, ceux qui ont travaillé quelque peu le mardi commencent à se montrer dans les rues. A quatre ou cinq heures, la foule s’y répand. Les femmes et les jeunes filles les plus âgées vont au marché ; leurs maris et les autres adultes entrent dans les tavernes. Vers sept ou huit heures, le marché est rempli, les rues sont vivantes, il n’y a plus de place dans les cabarets ; personne ne pense à faire l’économie d’un shilling. Il n’y a point de mendians dans la ville. Tout adulte travaille, quand il veut travailler. Lorsqu’un mendiant étranger se présente, les ouvriers le

  1. « They are almost worked to death. »