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le parquet parfaitement propre. Je gravis l’escalier, et je vis, dans une chambre qui avait sept pieds de longueur et six de hauteur sur un seul côté, la pente du toit réduisant l’autre à rien, un lit sur lequel couchaient le mari, la femme et trois enfans. Il n’y avait d’autre mobilier qu’un vieux bois de lit, et sur la paille du lit un vieux sac qui tenait lieu de couverture. Eh bien ! la couverture, le parquet des deux pièces, l’escalier, tout était propre. Cette propreté allait jusqu’à la blancheur ; on aurait cru voir les tables, d’une laiterie dans quelque grande ferme plutôt que le misérable mobilier d’un taudis habité par un pauvre serrurier de Willenhall. »


Les ménagères de Willenhall ont d’autant plus de mérite à tenir leur intérieur décent, que la fange les environne et tend incessamment à les envahir. Tout habitant a sous les fenêtres de sa maison ou de son atelier un tas de poussière et de fumier qui est le réceptacle des immondices, et qu’il rapproche autant qui peut afin de mieux établir son droit de propriété,’ et tout prêt à s’écrier en face d’un voisin trop cupide :

« Je suis sur mon fumier comme toi sur le tien. »


En effet, toutes les querelles, tous les procès des habitans entre eux ont pour origine quelque usurpation de ce genre : c’est leur champ à eux qu’ils se disputent avec le même acharnement que des princes un royaume. Il n’y a pas de procès qui sente bon ; mais le tien et le mien perd encore à être vu d’aussi bas. Si nous pénétrons sans éprouver la moindre répulsion dans l’antre de la chicane, qui peut voir sans dégoût des chiffonniers se battre dans le ruisseau pour la possession d’un clou rouillé ?

Outre ces réserves de chaque propriétaire, la paroisse possédait encore en 1841 deux montagnes d’immondices qui s’élevaient triomphalement au centre de Willenhall, et qui auraient suffi, selon M. Horne, pour empester la Grande-Bretagne tout entière. En attendant, elles engendraient le typhus, qui a sévi à Willenhall sans interruption pendant sept ans. L’administration locale les a fait disparaître en partie, non point afin d’assainir la ville, mais par amour-propre et de crainte de se voir signalée à l’attention du parlement.

Un pareil site n’a certes rien d’enchanteur, et ce serait bien le cas de s’écrier avec le soldat de la caricature embourbé dans un marais : « On appelle cela une patrie » Cependant les maîtres-ouvriers de Willenhall ont pour leur ville natale un aveugle et invincible attachement. En dépit de la misère qui les y attend, on ne peut pas les déterminer à la quitter. Des serruriers de Willenhall qui avaient été appelés