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du Dekkhan, fut traversé, pour la première rois, par les armées musulmanes, en 1310, lorsque Cafour alla combattre le roi du Carnata.

Sur la rive gauche de la Mouta sont construites les habitations de l’ancienne résidence ; au temps où les Mahrattes existaient encore quelque peu par eux-mêmes, sous le régime de protection l’ambassadeur occupait, avec sa petite cour, les hauteurs de Sangam ; maintenant la résidence est le gouvernement local. Par-delà la ville hindoue, sur un plateau aride, mais aéré, bordé de montagnes, s’étendent les cantonnemens militaires, baraques rangées comme les tentes d’un camp où le gong chinois marque l’heure aux sentinelles, où les exercices à feu, les parades, se succèdent sans relâche, moins peut-être pour habituer les troupes aux manœuvres que pour rappeler aux Mahrattes avec quelle attention on surveille leurs mouvemens. De Sangam aux cantonnemens, on rencontre une suite de bagglaws, maisons de campagne délicieuses, occupées par les fonctionnaires anglais, civils, et militaires ; ces cabanes charmantes, construites en bois, ornées de galeries, sévères au dehors, dorées au dedans avec une simplicité qui n’exclut pas le luxe, sont pourtant, en quelque sorte, la ligne de fortifications qui tient en échec la capitale d’un royaume ! Chaque enclos est, pour toute défense, entouré d’une plantation d’acacias ou de bohinias, dont les thyrses blancs et rouges donnent le signal du printemps ; les voitures roulent sans bruit sur le sable des allées ; tout n’est que fleurs et bosquets. Combien de pareilles demeures seraient capables d’inspirer aux peuples soumis le goût de l’ordre, de la civilisation des habitudes de l’Occident, si les préjugés religieux ne tenaient l’Hindou en défiance contre les populations chrétiennes, si le caractère anglais était moins dépourvu de cette faculté de conciliation à laquelle il préfère l’orgueil et le sentiment de sa supériorité ! Aux arbustes élégans des latitudes méridionales, aux plantes tropicales que le climat plus tempéré permet cependant de cultiver jusque sur la montagne, se mêlent le pêcher et la vigne. L’hiver, si doux à Poonah, rappelle les magnifiques journées d’automne à la Louisiane, ces temps de récolte qu’on appelle, dans le sud des États-Unis, l’été des Indiens, Indian summer. Les mimosas, les euphorbes, se sont dépouillés de leurs feuilles : il y a un peu d’engourdissement dans la nature, une certaine langueur qu’augmente l’absence des brises arrêtées par la chaîne des Ghautts ; mais, dans les lieux rafraîchis par les irrigations, l’influence de la saison sèche est à peine sensible. On peut s’en convaincre en visitant