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que les prévenus sont arrêtés, leurs noms, leurs antécédens, jusqu’aux traits de leur visage, indices trompeurs de culpabilité ou d’innocence, tout est détaillé. On ne s’inquiète pas toujours de savoir si ces révélations sont vraies ou fausses ; on ne songe pas qu’une indication erronée, s’accréditant par la voie de la presse, peut imprimer à une famille honorable une tache éternelle. L’acte d’accusation est dressé ; il paraît à l’instant même dans les journaux. Enfin les débats s’ouvrent, la foule les assiége, et qui voit-on au premier rang ? Des femmes, non pas celles du peuple, mais celles qui font l’ornement de nos salons, les plus fêtées et les plus élégantes. Elles viennent étudier les angoisses des accusés ; elles assistent à leurs tortures spectacle horrible qu’elles semblent goûter avec une volupté étrange. Inattentives lorsque les circonstances du procès sont vulgaires, elles ont le regard fixe, l’oreille avide lorsque l’interrogatoire présente des incidens tragiques. Plaignez-les, car elles ne croient pas mal faire. Ces émotions qu’elles viennent chercher sur ce nouveau théâtre sont celles qu’une littérature malheureusement justifiée à leurs yeux par le succès offre tous les jours à leur imagination maladive Qu’y a-t-il d’étonnant qu’elles préfèrent à tels drames ou tels romans que nous pourrions citer les drames ou les romans des cours d’assises ? Enfin, de pareils scandales ne se reproduiront plus ; une circulaire de M. le garde-des-sceaux vient d’y mettre un terme. Sil fallait en croire le bruit qui court, ce serait un des derniers actes de l’existence ministérielle de M. Martin ; mais ce sera sans contredit le meilleur et le plus généralement approuvé.



V. de Mars.