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littéraire et d’une littérature d’académie. Sa vocation essentielle va de ce côté. En politique, malgré le grand rôle, il s’est retranché de bonne heure, par nécessité, par peur, par méfiance des hommes, en solitaire qui a été du cloître et qui craint toujours qu’on ne le lui reproche ; il n’est jamais rentré en lice qu’avec des réserves infinies et de très prompts désespoirs. Il s’est rabattu constamment à l’étude, aux livres ; il a été, je l’ai dit, un misanthrope studieux.

Et là encore, remarquez sa tendance naturelle, il s’est retranché le plus possible ; il a visé à ne pas faire parler de lui ; il s’est renfermé dans les devoirs de professeur, d’académicien ; il s’est confiné et enterré, autant qu’il a pu, dans les recueils, dans les petites notes du Journal des Savans, s’effaçant de toutes les manières, et content de se réserver tout bas correction, finesse et malice ; mais les côtés un peu brillans de son talent qu’il aurait pu développer, peu s’en faut qu’il ne les ait retenus, j’allais dire opprimés à dessein. Mais non : des circonstances et des devoirs l’ont forcé, à son corps défendant, de les produire désormais son Cours d’Études historiques, arraché à l’oubli, le dira.

Un de ses gestes familiers trahissait en quelque sorte sa disposition habituelle : le petit homme, aurait dit un physionomiste, a l’œil vif, le sourcil épais et fin, du nez et du menton, mais le haut du front un peu bas ; — et encore il ramenait sans cesse, il aplatissait tant qu’il pouvait sa perruque pour le dérober.

On a beaucoup parlé de ses vastes et nombreux instrumens de connaissances : il est permis avec lui de préciser. Il savait très bien l’Italien classique, celui de l’Arioste et du Tasse, lisait la prose anglaise, celle du temps de la reine Anne, ne savait pas l’allemand, ne lisait pas Hérodote ni Thucydide à plein courant, mais assez pour vérifier exactement les textes des citations. Ce qu’il savait à merveille et avec une distinction incomparable, c’était le français et le latin.

Pour le français, il se resserrait encore dans ses prédilections, et, sauf une ou deux exceptions, ne faisait cas que de celui des deux derniers siècles. Quant au très vieux français, tout éditeur de Joinville qu’il était, il ne croyait guère aux règles que M. Raynouard avait essayé d’y établir, et, sur ces points comme sur tant d’autres, il ne faisait que suivre en résistant, en niant le plus possible.

Racine et Boileau, ou même Voltaire et Chénier à part, il goûtait plus, on le conçoit, la prose française que les vers. On peut remarquer que Boileau lui-même, comme versificateur, lui laissait plus de scrupules