Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 7.djvu/405

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sont ceux dont M. d’Israeli a voulu représenter les types dans quatre personnages de son roman : Monmouth, Rigby, Taper et Tadpole.

Je sais bien qu’en Angleterre a cherché à découvrir des figures réelles à travers ces rôles : la vérité avec laquelle y sont mutés des modèles choisis dans la société, anglaise n’est probablement pas l’attrait le moins piquant que le public ait trouvé dans Coningsby ; mais, soit que M. d’Israeli ait eu les intentions qu’on lui prête, soit qu’il les désavoue, j’ai le droit de considérer comme des types conçus avec une préméditation plus large les figures qui peuplent son roman.

Ainsi, dans le marquis de Monmoutn, ce seigneur si riche, si dur envers sa famille, à qui M. d’Israeli fait épouser une princesse italienne, dont il termine l’existence voluptueuse au milieu d’un souper avec des actrices françaises, auquel il attribue un testament étrange, on a reconnu le dernier marquis de Hertford, dont le nom, la famille, la mort et le testament appartiennent à la publicité parisienne au moins autant qu’à celle de Londres. Je crois cependant que M. d’Israeli s’est proposé surtout de peindre dans le marquis de Monmouth une portion notable de l’aristocratie anglaise. Lord Monmouth est la personnification de l’égoïsme le plus absolu que le patriciat puisse produire ; il représente cette classe de nobles qui concentrent sur leurs plaisirs tout l’intérêt et tout l’effort de leur vie. Les fatigues de l’activité politique dépouillent pour eux les succès de l’ambition du prestige qui enivre des natures plus mâles. L’influence politique que les privilèges leur assurent n’exprime à leurs yeux que la sécurité de leurs oisives jouissances, de même qu’ils ne voient dans la richesse que le docile instrument de leurs désirs. Une sensualité d’une nature plus subtile, la vanité, attache lord Monmouth au torysme par un lien plus étroit encore. Dans un pays où la hiérarchie des rangs et la distinction des titres multiplient et raffinent les appétits de l’orgueil, lord Monmouth, d’abord comte, a donné le titre de marquis pour aliment et pour but à son ambition ; il l’a obtenu en devenant propriétaire de dix bourgs-pourris. Marquis, il a visé à la couronne de duc ; le succès était encore une question d’influence parlementaire. Lord Monmouth était sur le point de réussir ; il allait joindre deux nouveaux bourgs à la liste de ses propriétés électorales, lorsque le bill de réforme vint détruire ses plans. Cet échec irrite lord Monmouth et ne le décourage pas ; il entrevoit les chances que la loi nouvelle laisse aux tories. L’aristocratie peut reconquérir sur les élections une partie au moins de son ascendant. Cette perspective arrache lord Monmouth aux paresseuses délices de la vie du continent : il revient en