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des natures de cette trempe est d’offrir aux médiocres qui aspirent un miroir où se contemple et s’adore leur vanité, un exemple sur lequel s’exalte leur ambition. Rigby remplit ce rôle, dans Coningsby, à l’égard de Taper et de Tadpole. On a voulu aussi donner une traduction réelle à ces noms de fantaisie ; mais il est bien évident que le but de M. d’lsraeli a été de dessiner ici une portion nombreuse et remuante du parti tory, et qu’il doit y avoir au club de Canton plus d’un Taper et plus d’un Tadpole. La fortune de Rigby, c’est-à-dire une pension de 1,200 liv. sterl., ou, devant leur nom, le titre de right honourable que donne la qualité de membre du conseil privé, voilà la perspective de laquelle ne se détachent pas les yeux des Tapers et des Tadpoles. Ces personnages ne jouent aucun rôle direct dans l’action de Coningsby ; M. d’Israeli les introduit et les fait parler, comme des comparses et des coryphées, dans les drawing-rooms d’un château ou dans une partie de chasse, dans un dîner politique ou dans un club, toutes les fois qu’il veut montrer les jugemens portés sur les situations politiques par le vulgaire du parti conservateur. Les Tapers et les Tadpoles n’ont pas d’autres principes politiques que la convoitise des 1,200 liv. sterl. Ils ne peuvent arriver à cet ultima Thule de leurs rêves qu’en rentrant à la chambre des communes, d’où ils ont été exclus par la réforme. Par quelle tactique s’efforcent-ils d’y revenir ? De 1832 à 1841, voici quelle est la préoccupation exclusive des Tadpoles et des Tapers. Tapera toujours l’œil sur les listes électorales (the registration) ; Tadpole se creuse continuellement la tête pour trouver ce que les Anglais appellent un bon cry, c’est-à-dire un mot d’ordre de nature à agir sur la multitude et à la rallier au parti conservateur au moment des élections. Tadpole avec son cry, Taper avec ses listes électorales, fournissent à M. d’lsraeli le moyen de répandre sur la nullité d’idées, sur la pauvreté d’esprit de la foule des tories, un ridicule qui a été fort goûté en Angleterre par les adversaires du parti conservateur.

Des Monmouth, des Rigby, des Taper et des Tadpole, l’égoïsme opulent et cynique, la médiocrité vaniteuse et servile, la nullité intrigante voilà les hommes et les caractères que M. d’Israeli attribue au parti chez lequel on n’a pas cessé de répéter le mot du marquis de Monmouth : il n’y a qu’un homme, c’est Peel ; Peel is the only man. On dirait que M. d’Israeli ne voit point d’autres caractères parmi les conservateurs car ce sont les seuls qu’il semble tenir à nous faire voir réellement, les seuls dont il ait essayé de découper fortement l’originalité. La pâleur, l’insignifiance des physionomies où il a cherché à exprimer ses préférences de sentimens et de principes, font mieux ressortir