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Stanley et sir James Graham, en acceptant sans arrière-pensée les réformes déjà accomplies ; il réunissait auprès de lui les intérêts menacés et attaqués, en annonçant la résolution de résister aux agressions futures de l’esprit réformateur ; et sans avoir besoin d’inscrire sur son drapeau des principes généraux qui eussent pu aliéner sa liberté d’action au pouvoir, il voyait peu à peu le nombre de ses adhérens grossir par l’effet d’une réaction naturelle, par les embarras que la marche des affaires suscitait aux whigs, et par la solidarité d’appréhensions communes. C’est ainsi qu’en entrant au ministère, sir Robert Peel s’est trouvé à la tête d’une majorité de près de 100 voix ; mais une fois arrivé à la trésorerie, il n’était plus dans la même situation à l’égard de son parti, le mot de conservation prenait un autre sens. Sir Robert Peel devait faire entrer les intérêts qui avaient adopté ce mot pour devise en compromis avec l’intérêt de gouvernement. On allait s’apercevoir, ce dont on ne s’était guère préoccupé auparavant, que le parti conservateur n’était pas un parti homogène, ayant des intérêts identiques’ et communs. De même que les whigs avaient été obligés de réprimer les tendances de quelques-uns de leurs partisans à un mouvement trop rapide, sir Robert Peel serait contraint de vaincre les résistances d’une partie de ses amis, de leur imposer des sacrifices ; c’est ce qui est arrivé, et c’est ce qui explique comment le dépit, la défiance, la crainte, se glissant parmi les conservateurs, en ont poussé quelques-uns jusqu’à l’hostilité, en ont refroidi un plus grand nombre, et ont imprimé au parti les oscillations qui ont failli renverser deux fois cette année le ministère de sir Robert Peel.

Les tories mécontens, en récapitulant les principaux actes politiques qui ont signalé la carrière de sir Robert, paraissent avoir un prétexte légitime de s’effrayer. Sir Robert Peel a toujours montré une sagacité, une attention extraordinaires à découvrir le moment où les intérêts qui sollicitent le gouvernement vont devenir irrésistibles, et une disposition singulière à s’y conformer aussitôt. Représentant d’Oxford et des principes les plus absolus de l’anglicanisme, il a fait l’émancipation des catholiques. Le bill de réforme devient la loi du pays, sir Robert Peel, qui l’avait combattu avec opiniâtreté, déclare s’y rallier désormais sans réserve. Il est porté au pouvoir par le parti aristocratique, par le parti agricole ; mais, comprenant les besoins de l’industrie anglaise, il travaille systématiquement à diminuer les charges dont elle est grevée, même au détriment des intérêts qui le soutiennent. Il y a peu de jours encore, défendant la constitution de l’église d’Irlande, il prévoyait le moment où des circonstances politiques pourraient