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doit aujourd’hui avoir été au moins gouverneur d’un jeune noble qui a pris un degré ! Étonnez-vous que l’église ne soit pas universelle : il faut que ses principes soient indestructibles pour avoir, quoique si faiblement pratiqués, conservé le corps désorganisé qui survit encore. » La solidarité qui lie l’aristocratie anglaise à l’église établie est-elle plus violemment attaquée par les radicaux ou les catholiques d’Irlande que dans le morceau suivant ? « C’est dans la spoliation de l’église (M. d’Israeli ne peut parler ici que de l’église dépouillée par Henri VIII) que nous devons chercher la cause première des exclusions politiques et des restrictions commerciales parmi nous. Ce pillage impie créa une aristocratie factice, tremblant toujours d’être forcée de rendre son butin sacrilège. Pour prévenir cette restitution, elle se réfugia dans le religionisme politique ; exploitant les inquiétudes de conscience ou les pieuses fantaisies d’une partie de la population, elle en fit sortir des sectes religieuses. Ces sectes devinrent, sans s’en douter, les gardes prétoriennes de tant de domaines mal acquis. C’est à leur tête que cette aristocratie a toujours continué depuis à gouverner le pays. C’est à leur tête qu’elle a renversé des trônes et des églises, changé des dynasties, reconstruit des parlemens, ravi à l’Écosse ses franchises et confisqué l’Irlande. » Avec de telles idées, et nous n’en contestons pas la justesse, il est difficile de comprendre que M. d’Israeli ne vote pas avec M. Ward et les whigs sur la question de l’église d’Irlande, je comprends encore moins que M. d’Israeli affiche la prétention de replacer le torysme sous la sauvegarde de ses principes traditionnels, et ce qui me paraît tout-à-fait inexplicable (par la logique, veux-je dire), c’est que ce soit M. d’Israeli qui accuse sir Robert Peel de livrer les intérêts du torysme.

Il y aurait vraiment de la cruauté à pousser sérieusement l’auteur de Coningsby sur les généralités nébuleuses qu’il a l’air de prendre pour des idées sublimes, destinées à régénérer la politique anglaise. Je ne compte pas cette bizarre et cabalistique exposition de l’influence secrète et universelle de la race hébraïque, qui nous montre des juifs jusque chez les jésuites : il y a là une préoccupation personnelle que le nom de M. d’Israeli explique au besoin ; mais l’une des révélations les plus remarquables de ce genre est le panégyrique de la jeunesse qu’il place dans la bouche de ce juif Sidonia, auquel il fait traverser son roman avec la solennité mystérieuse d’un prophète. M. d’Israeli croit-il enrichir le monde d’une découverte, lorsqu’il rappelle que tous les hommes de génie ont accompli leurs plus grandes œuvres durant les puissantes années de la jeunesse, qu’Annibal et Napoléon