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quand s’est-elle ouverte ? Plus haut, M. Quinet nous a montré Philippe-Auguste marchant dans l’imitation des papes ; or, entre la mort de Philippe-Auguste et l’avènement de saint Louis, il n’y a que trois ans d’intervalle. Il valait la peine de nous donner le secret d’une révolution si soudaine et si complète. L’imagination de M. Quinet ne s’est pas encore pliée à l’exactitude, à la précision de l’histoire.

Maintenant abordons directement l’idée même du livre de M. Quinet, l’ultramontanisme. Voici comment l’écrivain pose la question. Au XVIe siècle, la papauté a dit à l’Italie : Tu es morte, mais je vais te faire régner. Le dessein de la papauté a été, nous suivons les idées de M. Quinet, d’imposer au monde les pensées de mort qui s’élèvent du milieu des maremmes et des villes désertes de l’Italie, de faire pâlir le temporel devant le spirituel, de faire croître l’herbe sur le monde civil comme sur la campagne de Rome. C’est là, dit expressément M. Quinet, ce qu’on appelle l’ultramontanisme moderne. La définition est peu rigoureuse ; mais enfin, à travers le langage poétique de l’auteur, on aperçoit sa pensée. M. Quinet voit dans le catholicisme romain l’ennemi de toute liberté, de toute lumière ; il veut donc à la fois le combattre et lui substituer quelque chose qui puisse nous dédommager. La société est pour lui comme une autre Agar dans le désert : cette Agar ne verra-t-elle aucune source jaillir à ses côtés ? Comment, après des propositions aussi extrêmes, a-t-il pu venir à l’esprit de M. Quinet de nous dire qu’il avait sur l’avenir religieux de l’Europe les mêmes idées que Leibnitz, et d’ajouter : Si je suis condamné, Leibnitz le sera avec moi ? Leibnitz, grand Dieu ! le génie à la fois le plus conciliateur et le plus positif, non-seulement l’homme des idées spéculatives, mais l’homme des textes et des faits. ! Entre le catholicisme et le protestantisme, Leibnitz pouvait prononcer des paroles de paix, parce qu’il acceptait les bases essentielles des deux communions. Même sur le concile de Trente, qui fut un des principaux objets de ses discussions avec Bossuet, Leibnitz portait un jugement impartial ; il écrivait à Mme la duchesse de Brunswick que « la plupart des décisions de ce concile avaient été faites avec beaucoup de sagesse, et qu’il était loin de le mépriser. » Maintenant écoutons M. Quinet : « Le concile était plein de menaces… Les dernières paroles que prononcent les prélats en se séparant sont anathème ! L’écho répète anathème pendant deux siècles d’inquisition politique. » Qu’on juge s’il nous est possible de rendre Leibnitz solidaire des opinions de M Quinet.

C’est en s’autorisant de l’histoire de Galilée que l’auteur de l’Ultramontanisme reproche vivement à l’église romaine d’être contraire aux progrès de la science. Ce chapitre est remarquable, et M. Quinet avait