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Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 7.djvu/52

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REVUE DES DEUX MONDES.

donna son nom. Si M. Fauriel a vu avec beaucoup de probabilité dans les aventures du sire du Bousquet revenant de la croisade une transformation lointaine des aventures d’Ulysse revenant dans Ithaque, s’il y a reconnu comme une dernière édition des récits populaires qui ont servi de base à l’Odyssée, tels qu’ils s’étaient perpétués en Provence depuis l’arrivée des Phocéens jusqu’au XIIe siècle, pourquoi ne verrait-on pas un vague souvenir du retour d’Ulysse dans la gracieuse ballade grecque intitulée la Reconnaissance ?

Une jeune femme est assise devant son métier et travaille. Passe un marchand étranger. Le marchand arrête son cheval et parle à la jeune femme.

« Bonjour à toi, la belle. — Étranger, sois le bienvenu. — Ma belle, comment ne t’es-tu pas mariée, comment n’as-tu pas pris un brave pour mari ? — Puisse crever ton cheval plutôt que j’entende de telles paroles ! J’ai un mari qui est à l’étranger il y a maintenant douze années : je l’attendrai encore, je prendrai encore patience trois ans, et alors, s’il ne revient pas, s’il ne paraît pas, je me fais religieuse, j’entre dans la cellule, je prends le vêtement noir. — Ma belle, ton mari est mort ; ma belle, ton mari est perdu pour toi. Mes mains l’ont tenu, mes mains l’ont enseveli. — Si tu l’as tenu, si tu l’as enseveli, Dieu te le rende. — Je lui ai donné le pain et la cire pour que tu me les donnes. — Le pain, la cire que tu lui as donnés, je te les rendrai. — Je lui ai prêté un baiser, il m’a dit que tu me le rendrais. — Si tu lui as prêté un baiser, retourne vers lui et va vite le chercher. — Ma belle, je suis ton mari, je suis ton bien-aimé. — Si tu es mon mari, si tu es mon bien-aimé, indique les signes de la maison, et ensuite je t’ouvrirai. — Tu as un poirier à ta porte, dans ta cour une vigne qui produit de beaux raisins et un vin qui est comme le miel. Les janissaires le boivent et vont combattre, les pauvres le boivent et oublient leurs besoins. — Cela, les voisins le savent, tout le monde le sait. Indique des signes de mon corps, et tout de suite je t’ouvrirai. — Tu as un signe à la joue, un signe au menton, et sur le sein droit une petite morsure. — Servantes, allez ouvrir ; c’est lui-même, c’est mon bien-aimé. »

Quel charmant petit drame ! Peut-on ne pas se rappeler à la fois Ulysse indiquant à Pénélope les signes de la maison, lui décrivant le lit conjugal, et Ulysse reconnu à une cicatrice par la fidèle Euryclée ?