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freux déchiremens, un bras puissant intervint, et Napoléon dicta aux cantons ce que l’on a nommé l’acte de médiation, transaction assez tolérable entre le passé et le présent, et qui promettait à la confédération, sinon un brillant développement et des jours glorieux, du moins un repos honorable et un accroissement de prospérité matérielle.

Ce système tomba avec son fondateur, et l’esprit de réaction envahit la Suisse en 1815. La sainte-alliance ne pouvait permettre qu’un foyer d’idées démocratiques subsistât au centre de l’Europe. L’Autriche prenait ombrage d’un pareil voisinage, la Prusse y avait un intérêt plus direct encore à cause de Neufchâtel, et la Russie devait embrasser la défense des principes aristocratiques, ne fût-ce que par position et par calcul. L’empereur Alexandre s’empara donc de cette question et la trancha à son gré. Napoléon avait dicté l’acte de médiation, Alexandre dicta le pacte de 1815, qui plaçait sous l’influence des grandes puissances les délibérations de la diète fédérale, et jusqu’à un certain point le régime intérieur de chaque canton. C’était une servitude déguisée, un vasselage indirect dans lequel plusieurs grandes familles du pays jouèrent un triste rôle, mais quel qu’en fût l’instrument, ce joug n’en, était pas moins odieux aux populations, et incompatible avec la vieille indépendance helvétique.

Aussi la révolution de 1830 fut-elle pour la Suisse le signal d’une métamorphose fondamentale Tous ces gouvernemens, qui n’avaient d’autre appui que la sainte-alliance, tombèrent au bruit des trois journées. Le principe démocratique s’empara de la confédération entière, et surtout des cantons ou le principe contraire avait été dominant. Rien de plus radical aujourd’hui que le canton de Berne, naguère le foyer principal de l’absolutisme Cependant, au sein de la diète, le changement de régime ne s’opéra pas sans de profondes résistances. Il était évident que le pacte ancien s’adaptait mal au nouvel ordre de choses, et que les démocraties de 1830 et 1831 ne pouvaient porter sans gêne le manteau fédéral des aristocraties de 1815. Au lieu d’accepter cette nécessité et d’adoucir la transition, les états stationnaires se refusèrent à toute réforme. De leur côté, les radicaux, héritiers des patriotes de 1798, voulaient un état presque unitaire, une confédération où les petits cantons auraient été asservis par les grands, puisque le droit devait se proportionner à la population. C’est sous l’empire de ces circonstances qu’une demande de révision fut portée à la diète.

On a vu que M. Rossi y figurait au nombre des députés de Genève. Les circonstances étaient graves, difficiles. À la question du pacte qui