Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 7.djvu/673

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

15 avril est un des hommes dont la présence aux affaires sera toujours la garantie d’une paix honorable et digne entre les deux nations ? Vouloir une alliance fondée sur une estime mutuelle et sur un respect réciproque, vouloir une balance égale dans les relations des deux pays, vouloir qu’il n’y ait pas, d’une part, un empressement indiscret, un abandon irréfléchi, source d’infériorité, et de l’autre une certaine présomption et une tendance à tout exiger, suite nécessaire de la facilité à tout obtenir ; vouloir que le gouvernement de la France, imitant la prudence de l’Angleterre, ne se lie pas les mains à chaque instant, comme cela est arrivé pour la convention des détroits, pour le droit de visite, pour Taïti, pour le Maroc ; vouloir, en un mot, du côté de la France, dans ses rapports avec l’Angleterre, une politique qui sache ganter son secret, qui reste indépendante sans être ombrageuse, qui soit un bouclier pour le pays, et vouloir, du côté de l’Angleterre, dans ses rapports avec la France, une politique plus mesurée dans son langage et dans ses actes, est-ce là vouloir la guerre ? N’est-ce pas, au contraire, vouloir un système favorable à l’harmonie des deux peuples, le seul capable d’apaiser l’irritation causée par la fausse attitude de leurs gouvernemens ?

Ce système est celui des hommes que les journaux dévoués à la fortune de M. Guizot attaquent violemment aujourd’hui ; il est facile de comprendre dans quel but. On les calomnie parce qu’on les redoute plus que jamais. On sait que leur entrée au pouvoir aurait l’assentiment de la majorité ; les chambres, en se séparant sous une impression douloureuse, ont témoigné au cabinet des dispositions ; qui l’inquiètent vivement pour l’avenir. Plusieurs membres du parti conservateur n’ont pas dissimulé leur regret d’avoir laissé vivre le ministère en dépit des dissidences nombreuses qui les séparent de lui depuis long-temps. Ils ont exprimé des craintes, sinon sur les intentions réelles de l’Angleterre, qui rencontre du côté des États-Unis et de l’Irlande des motifs sérieux pour vouloir le maintien de la paix, du moins sur la marche même de M. Guizot, désormais engagé par ses fautes dans une voie où il lui est peut-être impossible d’arrêter le mal et de faire le bien. La couronne, dit-on, a daigné entendre de nombreuses confidences à ce sujet. Voilà ce qui nous a valu le plaisir de voir M. Guizot porté aux nues dans les feuilles anglaises, et ce qui a ressuscité tout à coup dans les journaux ministériels de Paris le fantôme du parti de la guerre !

La session est close en France ; elle se termine en Angleterre. Les deux cabinets vont se trouver en présence. M. Guizot paraît penser que cette situation vaut mieux pour lui. Il aura plus de liberté dans ses mouvemens ; n’étant plus poussé par la tribune, il demandera du temps, et le temps, comme on dit, est un grand maître. Nous reconnaissons volontiers que M. Guizot peut se féliciter du départ des chambres, il a beaucoup de raisons pour cela. Le pays partagera-t-il son sentiment ? C’est autre chose. L’attitude prise dès le premier jour par le parlement français était une garantie que les négociations seraient sagement et honorablement conduites tant qu’il serait assemblé.