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nous sommes associé avec toute la France dans le concert d’éloges ou le nom de presque tous a été, à si juste titre, proclamé. À ces louanges le gouvernement est venu joindre de hautes et brillantes récompenses, proportionnées à ce que chacun a fait. Un jury éclairé et consciencieux livrera plus tard à la publicité le motif de ses décisions, et sans doute aussi quelque chose des élémens qui ont guidé ses appréciations. Là nous trouverons certainement, sur l’emploi de tant de produits variés, sur le poids dont ils sont dans la balance commerciale, de précieuses indications destinées à compléter les renseignemens de l’enquête de 1834. Dix années se sont écoulées, et il serait important d’examiner si les promesses faites, si les améliorations espérées ont été obtenues et quelles causes ont pu les faire ajourner.

Un grand enseignement nous paraît caché sous les chiffres des tableaux de notre mouvement commercial. Là réside le principe qui doit raffermir et élever la puissance de la France. Agriculture, industrie, commerce, navigation, sont les premiers anneaux d’une chaîne qui se termine par la richesse, le revenu, la marine et le pouvoir.

Si nous insistons d’une manière si vive sur la nécessité pour la France de reconquérir pour ainsi dire la fabrication des articles courans et à bon marché, c’est encore que le système de prohibition absolue perd chaque jour de son terrain. L’Angleterre, qui n’a jamais reculé devant aucune mesure qui pouvait lui procurer un grand avantage, qui a fait autrefois la guerre à l’Espagne afin d’avoir le droit d’être seule à l’approvisionner d’esclaves, et qui la lui ferait volontiers aujourd’hui pour émanciper ces mêmes esclaves, afin de ruiner la Havane au profit de l’Inde Britannique, l’Angleterre a inventé le système de prohibition, et ce stimulant a développé l’industrie chez elle. Aujourd’hui cette arme est usée, les représailles sont trop faciles depuis que les peuples s’entendent mieux, et la Grande-Bretagne y a renoncé. Il est vrai que partout des droits protecteurs fort élevés ont remplacé la prohibition ; ce n’est pas la même chose. Les relations ne sont pas actives ; cependant elles existent, et il y a échange des industries diverses. Nous seuls, pour quelques articles, notamment les tissus de laine et de coton, nous avons conservé les dispositions de nos lois de 1796, et nos manufacturiers se sont opposés à toute modification. Est-ce à dire qu’un changement n’arrivera jamais ? Nous ne le pensons pas ; l’opinion s’éclaire, et, comme nous l’avons déjà dit, l’interdiction complète ne nous a pas été favorable ; elle prendra fin un jour, et malgré les droits protecteurs, tant élevés doivent-ils être, nous verrons des tissus étrangers. Pour que notre industrie résiste convenablement à cette concurrence, il est de son intérêt de produire à bon marché, de lutter sous ce rapport avec