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toutes les armes qu’elle avait alors dans la main, la destruction, les assignats, le maximum ; or, si la force est impuissante, c’est surtout lorsqu’il s’agit d’organiser dans une société comme la nôtre une position stable et régulière : elle échoua. L’empire n’eut presque point à s’inquiéter du sort des classes ouvrières dont il employait les bras à une guerre éternelle ; c’était une besogne toute trouvées La restauration comprima les forces vives du pays, et avec elles les idées sourdement militantes qui agitaient la surface du peuple ; mais comprimer n’est pas régner : elle en fit l’épreuve en tombant. Le gouvernement de juillet hérita de l’expérience et des embarras de ses devanciers ; dès son début, il se trouva en présence de ces questions un instant amorties qui se redressèrent bientôt avec des mouvemens formidables. Les partis choisirent précisément pour y établir leur champ de bataille ce problème du travail et de la subsistance qui avait résisté à la gloire de l’empire comme aux froids dédains, du gouvernement déchu. L’ordre fondé en 1830 est sorti victorieusement de la lutte. Ce résultat, il le doit surtout aux principes économiques où il a puisé toute sa force. Dans un temps ou les intérêts ont pris la place des croyances, le moyen de s’en faire une défense, un rempart, c’est de les associer, de les aux autres dans ce qu’Ils ont de commun. Aux institutions religieuses, irrévocablement détruites, doivent succéder des institutions économiques qui les remplacent dans leur destination tutélaire. Ce besoin s’est traduit depuis quelques années, en France, par des tentatives incroyables. Passons sur les cendres encore tièdes de ces entreprises colossales qui, sous le nom de commandites, ont agité la fortune publique. Il ne faut pas s’effrayer des ruines dans une voie et sur un sol inconnus qui tremblent encore des dernières secousses que leur a imprimées la chute d’une société établie par plus de huit siècles. Aujourd’hui une foule innombrable de compagnies mutuelles d’assurance s’élèvent sur des millions, les unes bonnes, les autres mauvaises, mais toutes fondées autour de ce principe vital, l’association. Au milieu de ces caisses, de ces banques créées par la spéculation, et sur lesquelles l’état étend plus ou moins sa surveillance, il existe une institution qui les efface toutes : nous voulons parler de la caisse d’épargne. Ce n’est pas seulement par la masse de son numéraire qu’elle défie toute rivalité, sa destination la rend encore plus précieuse à nos yeux ; la caisse d’épargne est le grand livre des ouvriers.

La véritable origine des caisses d’épargne doit être rapportée LI l’Angleterre, ou, pour mieux dire, à l’Écosse. La Suisse a revendiqué