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Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 7.djvu/765

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LES CAISSES D’ÉPARGNE.

autre par la concurrence. Les pertes et les ruines subites entrent par trop d’endroits dans la fortune des petits commerçans pour pouvoir être arrêtées de toutes parts ; la prévoyance leur conseille donc de s’affermir ailleurs et de chercher dans un placement de fonds assuré une ancre contre les instabilités du négoce.

On a dit qu’il était plus facile d’acquérir que de conserver. Ceci est surtout vrai du commerce de notre époque, soumis à mille chances aléatoires et mobiles ; cela est même vrai du travail, sans cesse variable et inégalement rétribué. Autrefois, quand la société était calme, quand les générations se succédaient autour du centre immuable de l’église ; quand des ordres religieux, riches et puissans, employaient de siècle en siècle dans les campagnes un nombre considérable d’ouvriers ; quand la fortune ne se déplaçait guère de certaines familles, chez lesquelles le temps l’avait pour ainsi dire consacrée, on comprend que l’insouciance pût se reposer sur le présent. Il n’en est plus de même aujourd’hui : il faut compter à cette heure non-seulement avec le présent, mais encore avec l’avenir, car ce dernier fait prendre çà et là aux évènemens humains une face inattendue. Ne voyons-nous pas chaque jour des fortunes subites mettre à décroître et à s’évanouir la même rapidité qu’elles avaient mise à se former sous nos yeux ? Il est donc devenu nécessaire de songer au lendemain. Au milieu de cette situation tempétueuse qui dérange à chaque instant toutes les prévisions, un immense besoin se fait sentir, celui de s’abriter sous des institutions nouvelles. C’est à l’économie politique de remplir le vide laissé par la disparition des ordres religieux ; elle y parviendra en créant des établissemens sages et tutélaires, où le travailleur trouve le moyen d’appuyer ses forces à celles de l’association. Les caisses d’épargne, si elles étaient établies sur une base large et populaire, rendraient sous ce rapport d’éminens services. Ces institutions seraient profitables à tous les points de vue : au point de vue moral, en ce qu’elles développent chez les classes laborieuses le sentiment de la prévoyance et du sacrifice, qui servent de germe à toutes les vertus sociales ; au point de vue politique, en ce qu’elles créent chez les générations futures, qui participeront de la sorte au bienfait de l’hérédité, un véritable amour de l’ordre ; au point de vue industriel, en ce que, par la réunion des capitaux, elles permettraient un mouvement de fonds considérable pour alimenter le commerce, l’agriculture, la navigation.

Nous allons achever en quelques traits l’histoire des caisses d’épargne en France. Cette institution, qui avait jusqu’alors vécu sous le régime des ordonnances, passa en 1835 sous celui de la loi. L’usage