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d’être des femmes sages, ne sont pas, elles-mêmes, demeurées sourdes conseils de la prudence ; 26 d’entre elles sont venues apporter à la caisse une somme de 5,150 fr., qu’elles eussent à coup sûr dissipée, il y a quelques années, en futiles objets de toilette, ou en parties aux bois avec leurs amans. Enfin la classe des militaires montre à son tour l’exemple de l’ordre et de la bonne conduite ; les plus faibles soldes, les grades les plus inférieurs de l’armée donnent les plus fortes sommes et les plus nombreux déposans à l’institution. Nulle profession n’a plus besoin que celle du soldat de s’abriter pour les mauvais jours de la vieillesse contre les coups de vent et les vicissitudes du sort : il ne faut plus que Bélisaire soit réduit, comme sur la gravure, à recevoir dans son casque rouillé l’obole de l’aumône.

La caisse d’épargne a voulu porter plus loin ses services dans le sein de la classe si intéressante des militaires. Une des plaies de l’armée était le recrutement. Nous avons tous vu ces maquignons d’hommes dont le métier était de parcourir l’Alsace ou les autres provinces fertiles en misères, et d’en ramener à Paris un troupeau de vagabonds, couverts de guenilles, nus pieds, qu’ils revendaient aux individus tombés au sort pour le remplacement militaire. Une fois enrôlés dans les cadres de l’armée ces mauvais soldats échappaient presque tous au service par la désertion ou par l’emprisonnement ; c’était une calamité. Il en résultait qu’une sorte de flétrissure était attachée au régiment sur ceux qui entraient par cette voie dans l’état militaire ; un remplaçant était frappé d’excommunication ; il ne pouvait avancer en grade et subissait, durant tout son séjour au corps, la peine de son ignoble marché. Le remplaçant conformait ses mœurs à sa réputation : débauché lui-même, il débauchait ses camarades. On en a vu dévorer, durant les quelques semaines qui suivaient leur entrée au régiment, le fruit de leur esclavage dans les lieux de débauche. La caisse d’épargne a eu l’heureuse idée de changer cet état de choses et d’arrêter ces désordres : elle y a réussi. Plusieurs chefs de corps désignent maintenant eux-mêmes à l’administrateur de la caisse d’épargne de bons sujets auxquels ils s’intéressent. Ces soldats, qui ont déjà fait l’expérience du service, sont recommandés aux familles, et le prix des remplacements est versé dans la caisse au nom du remplaçant. Il suit de là que ce contrat, rendu légitime par l’assentiment des chefs, n’est plus un obstacle à l’avancement, et produit au soldat un gain solide. Un maréchal-de-logis, brave et honnête Breton, qui avait renouvelé deux fois son engagement, se trouva ainsi se retirer du service, et rentrer chez lui avec une