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et de Paqueta, qui servent de rendez-vous aux parties de plaisir des habitans de Rio. La brise venait de tomber lorsque j’entrai dans la petite rivière d’Inhumirim ; il fallut la remonter à la rame, les bords marécageux ne permettant pas de remorquer les embarcations, et, après trois heures d’efforts, je débarquai à Porto d’Estrella, qui forme une longue rue composée de deux cents maisons basses et mal bâties.

Cette petit ville est située au confluent de l’Inhumirim et du Saracuruna ; c’est le lieu de débarquement de toutes les marchandises qui viennent de la province de Minas. Ces marchandises consistent en cotons sucres et cafés. Les caravanes prennent en retour les vins, les huiles, les cotonnades, les draps, les chapeaux, la quincaillerie, enfin tous les produits d’Europe envoyés en échange de l’or et des diamans expédies a Rio. La situation d’Estrella en fait un entrepôt assez fréquenté il n’y a cependant ’que quelques magasins destinés à suffire aux besoins des habitans de la province, qui, ne pouvant se rendre à Rio, achètent ici ce qui est nécessaire pour leur voyage et leur famille.

Je passai la nuit chez un vieux négociant qui possédait la plus belle maison de Porto d’Estrella, la seule qui eût deux étages. Je ne pus me coucher avant d’avoir entendu ses histoires sur les voyageurs plus ou moins illustres qui s’étaient reposés dans le lit que j’allais occuper. Mon hôte, ayant près de soixante ans, confondait assez souvent les noms. Je lui demandai vainement quelques détails sur les environs, il revenait toujours à son sujet favori ; j’aurais mieux aimé moins de souvenirs et une collation un peu meilleure. J’eus plus d’une fois à maudire l’hospitalité que les Brésiliens vous accordent si généreusement. Vous n’êtes plus, il est vrai, exposé à l’intempérie des saisons, mais vous devez vous soumettre à des formes cérémonieuses toujours déplaisantes ; vous devez causer ou écouter quand vous voudriez dormir et vous reposer. Accablé de questions sur le but de votre voyage, sur l’opinion que vous avez du Brésil, il vous faut parler cette langue portugaise si dure et si gutturale. L’hospitalité devient ainsi une gêne, et le plus souvent on n’échange sa liberté que contre un bien-être douteux ; la moindre auberge de nos villages offre plus de ressources que la demeure d’un riche Brésilien vivant au milieu de ses esclaves et de ses troupeaux.

A partir de Porto d’Estrella, le terrain s’élève graduellement. La route, quoique assez large, a été détruite par les pluies ; comme le soleil seul est chargé des réparations, il faut éviter presque à chaque pas les fondrières qui coupent le chemin. Un péage est établi pour