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fort embarrassé, car la tâche qu’il allait remplir n’était pas sa mission. Pourquoi pas ? Les difficultés sont donc bien grandes ? Eh ! non, il s’agit de raconter quelques traits fort simples de la vie de quelques braves gens, et c’est certainement la tâche la moins scabreuse qui puisse être donnée à un académicien, surtout quand il est romancier. M. Scribe, malgré sa frayeur, n’a pas succombé sous le fardeau. Il a raconté avec agrément, non sans prétention, les actes de vertu, de dévouement héroïque d’hommes et de femmes du peuple, cœurs d’or sous des haillons. M. Scribe a été applaudi surtout lorsque, rappelant le mot d’autrefois : Ah ! si le roi le savait, il a ajouté que le roi sait aujourd’hui, car la tribune et les journaux lui disent toute la vérité, — pour le moins. Ce pour le moins a soulevé deux salves d’applaudissemens : le bonheur de M. Scribe ne se dément pas. À cette double salve pour un si petit mot, M. Scribe aurait dû comprendre aujourd’hui, s’il ne l’avait compris depuis long-temps déjà, la vanité des applaudissemens. Il a donc été agréable conteur, c’était prévu. Quand il a passé moraliste, l’essai n’a pas aussi bien réussi ; il a exprimé avec un peu d’emphase peut-être des idées connues ; il avait pourtant un bon modèle à suivre, l’orateur d’il y a deux ans, qui exprima avec une simplicité grave des pensées élevées.

L’année a été bonne pour la vertu, a dit M. Scribe ; M. Villemain n’en a pas dit autant pour l’éloquence. Ce concours en effet a été malheureux, et ceux qui suivront lui ressembleront peut-être. Cependant, nous en avons la conviction, les concours, sous les auspices de ce corps illustre qui sait si bien réparer ses propres pertes, pourraient amener d’excellens résultats dans cette décadence des lettres ; mais il faudrait leur donner une impulsion puissante et les animer d’un esprit nouveau.

P. L.

V. de Mars.