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qui s’y sont acclimatés. Caëthe a soutenu un siège pendant les derniers troubles. Après un engagement bruyant qui dura cinq jours, on ne compta que deux hommes blessés par des fusils qui avaient éclaté. Les deux partis agissaient avec une prudence dont les exemples ne sont pas rares dans les guerres intérieures du Brésil.

Laissant derrière moi Caëthe, je me dirigeai vers Congo-Soco, un des établissemens les plus considérables que les Anglais aient fondés au Brésil. J’eus occasion de visiter sur ma route Luis-Soarès, mine d’or qui appartient à la famille du marquis de Barbacena. Cet homme, qui a joué un rôle important dans les affaires de son pays, est mort en 1842, au mois d’août. Chargé de toutes les négociations d’emprunts par la confiance aveugle de l’empereur don Pedro Ier et de son jeune fils, il avait acquis dans ses voyages en Europe une fortune immense qu’il dilapida follement. Il dut céder à des compagnies anglaises le privilège de mines très riches qu’il possédait dans la province de Minas. Aujourd’hui ses descendans voudraient encore se débarrasser des deux mines qui leur restent ; mais leurs propositions ont été refusées.

C’est une curieuse histoire que celle du marquis de Barbacena. Portugais de basse origine, il était simple sous-lieutenant dans l’armée lorsqu’il réussit à obtenir en mariage l’héritière d’un riche négociant de Bahia. On raconte que pour obtenir sa main il usa d’un singulier stratagème. Pauvre officier sans fortune, il avait peu de chances de réussir dans ses projets de mariage ; il résolut de recourir à la ruse. Ayant obtenu qu’une somme considérable lui fût confiée pour quelques jours, il prétexta un ordre de ses chefs qui exigeait son départ immédiat, et pria le père de la jeune fille de vouloir bien garder jusqu’à son retour cette somme dont il se dit propriétaire. Tout en remettant ce dépôt précieux entre les mains du négociant, il insista sur le bonheur qu’il aurait à obtenir la main de la jeune héritière. Le père se laissa séduire et consentit au mariage. Quelques jours plus tard, M. de Barbacena était possesseur d’une des fortunes les plus considérables du Brésil ; un avenir brillant s’ouvrait devant lui. Bientôt il devenait l’arbitre des difficultés survenues entre le Brésil et l’Angleterre, amenait une séparation violente entre la colonie et la métropole, et se voyait entouré d’une considération qu’il devait, non à ses titres acquis, mais à une intelligence remarquable, à une grande habitude des affaires, et à l’ascendant qu’exerce toujours un homme politique qui possède d’immenses revenus.

La mine de Luis-Soarès, une des nombreuses possessions du riche marquis, est aujourd’hui dans un état déplorable. L’eau et la boue