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taxes sur tout l’or obtenu. Les dépenses énormes pour les frais de premier établissement, bâtimens d’exploitation, maisons d’habitation, employés[1], etc., ont absorbé une grande partie du capital fourni par les actionnaires. Ces travaux, dirigés par des hommes qui jouissaient d’une entière liberté, ont été faits avec un luxe souvent inutile. Aujourd’hui Calta-Branca, Morro-Velho et Congo-Soco coûtent d’entretien annuel plus de six cent mille francs. Les produits de chaque mine équivalent sans doute à cette somme ; mais ils sont insuffisans pour rembourser les frais d’installation. Excepté Congo-Soco, aucune des mines exploitées au Brésil n’a pu donner aux actionnaires l’intérêt de l’argent avancé ; on se borne à payer avec les produits de la mine les dépenses d’exploitation et d’entretien.

J’ai été surpris que les compagnies anglaises, sacrifiant des capitaux aussi considérables, n’eussent pas choisi pour diriger les travaux des hommes pratiques. A Calta-Branca, cette tâche importante est confiée, je l’ai dit, à d’anciens officiers de marine qui ont conservé toute la sévérité minutieuse du service militaire. A Morro-Velho, à Congo-Soco, les directeurs sont actifs et intelligens, mais, faute d’avoir sous leurs ordres des mineurs entendus, ils voient souvent leurs intentions mal exécutées. Les travaux sont ainsi compromis tour à tour par l’incapacité des directeurs et l’ignorance des ouvriers. En résumé, soit par les dépenses excessives de premier établissement, soit à cause du défaut d’instruction des chefs de travaux, les compagnies anglaises n’ont devant elles qu’un avenir incertain. Si le parlement adopte un jour la motion de lord Brougham, qui veut affranchir tous les esclaves appartenant à des Anglais, ces mines seront forcément abandonnées. Les Brésiliens, tout en admirant les travaux accomplis, sont incapables de les apprécier. Animés d’une haine aveugle contre l’Angleterre, ils ne consentiront jamais à reconnaître que les dépenses faites par les compagnies britanniques ont amélioré le sort des habitans de la province de Minas. C’est une tâche ingrate qu’ont acceptée ces compagnies, et leurs efforts, on doit le reconnaître, sont mal encouragés.

Si j’en crois des rapports recueillis sur les lieux, les esclaves occupés dans les mines anglaises du Brésil sont traités avec douceur. Soumis à un travail régulier et recevant une nourriture abondante, ils sont

  1. Le moindre mineur anglais reçoit 250 francs par mois ; pour peu qu’un seul établissement compte soixante ou quatre-vingts de ces mineurs, on conçoit que les dépenses s’augmentent beaucoup. Le travail d’un nègre intelligent équivaut à celui d’un mineur anglais ivrogne et insoumis ; un nègre ne coûte que 500 fr. par an en moyenne.