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est depuis dix ans sur les chantiers, et probablement elle ne sera jamais achevée. Un malheureux charpentier français qu’on avait fait venir pour diriger les travaux a été renvoyé brutalement parce qu’un Brésilien voulait obtenir sa place. Grace à un capitaine marchand qui retournait à Marseille, notre pauvre compatriote et sa famille purent regagner la France. Il est triste de voir tant de richesses naturelles perdues aussi bien pour les habitans qui les négligent que pour les étrangers qu’on repousse. J’ai pu vérifier par moi-même un fait presque incroyable. Dans ce pays couvert d’arbres qui ont vingt et trente pieds de circonférence, on reçoit de mauvaises planches de sapin envoyées des États-Unis, et on les emploie plutôt que d’utiliser les bois qui bordent le fleuve. En dépit de la négligence des habitans, la province conserve une grande importance commerciale. Ses produits sont des plus variés[1]. Aujourd’hui, l’importation étrangère se balance avec l’exportation ; de 1840 à 1844, l’une et l’autre se sont élevées à 5 millions de francs ; de 1841 à 1842, la valeur des marchandises importées et exportées n’a pas varié, sauf une diminution de quelques mille francs.

La province du Para est une des moins peuplées du Brésil, on n’y compte que 150,000 ames ; elle est bornée au nord par les trois Guyanes française, anglaise et hollandaise, au nord-ouest par la Colombie, à l’ouest et au sud par la province de Matto-Grosso, au sud-est par l’Océan. Les limites de cette province du côté des Guyanes ont soulevé des réclamations de la part des gouvernemens français et anglais. Cette question des limites est importante, l’Angleterre et la France sont en présence sur les bords de l’Amazone, et là comme ailleurs l’action envahissante de la politique anglaise peut devenir la source de graves complications. À cette question des limites s’en rattache une autre non moins digne d’attention, celle de la lutte des Indiens contre les autorités brésiliennes. Si une puissance européenne étendait son influence parmi les peuplades sauvages, il est à croire que la cause de la

  1. Voici les prix qu’on payait ces produits en mai 1843. — Le coton (l’arrobe de trente-deux livres) se demandait à 10 francs ; le riz à 4 fr., la gomme élastique en bouteilles, par arrobe, valait 15 fr. ; les souliers en gomme, par paire, de 60 à 75 cent. ; le cacao, par arrobe, 6 fr. 50 cent. ; la salsepareille, par arrobe, 30 fr. ; trente-six litres d’huile de copahu se payaient 22 fr. ; l’arrobe de roucou, 11 fr. ; de clou de girofle, 12 fr. ; de tabac d’Irutuia, 30 fr. — Le miel de canne, la colle de poisson, le café, les cuirs secs et tannés, la copabyba, la résine, une espèce d’amande connue sous le nom de châtaignes du Para, forment, avec les bois de construction, les autres produits notables de la province.