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avec moins de raison. Pour détourner ce danger, on ne peut mettre trop d’insistance à faire réfléchir froidement les deux pays sur les dispositions réciproques que leurs intérêts sérieux doivent leur inspirer, et sur la véritable situation dans laquelle ils sont placés l’un envers l’autre.

Les intérêts réels des deux peuples peuvent-ils leur commander, je dirai plus, leur permettre de faire appel à l’argument extrême de la guerre dans les débats qu’ils sont exposés à voir s’élever entre eux ? Doit-on enfin faire disparaître cette perspective de la guerre entre l’Angleterre et la France, qui obscurcit la raison des deux pays et les expose à de si funestes malentendus ? Une alliance est-elle, au contraire, naturelle, justifiable, possible ? Quelles en sont les conditions normales et raisonnables, et comment doit-elle être comprise et pratiquée ? Nous croyons qu’il n’est pas de questions sur lesquelles il soit aujourd’hui plus important de porter un examen calme et prompt.

C’est par la situation de l’Angleterre vis-à-vis de la France qu’il nous paraît naturel de commencer cet examen, puisque c’est à l’Angleterre que le ministère attribue l’attitude menaçante et les résolutions les plus redoutables pour la paix. Serait-il donc vrai que la situation de l’Angleterre lui prescrivît ou lui permît de braver contre nous la guerre, de la risquer sur les affaires les plus minces, ou, à vrai dire, sur les plus frivoles prétextes ? Cette question se subdivise : elle conduit à rechercher si l’Angleterre, dans son ensemble, comme nation et comme état, a ou non des intérêts à substituer la guerre à la paix dans ses relations avec la France, et quels peuvent être aussi vis-à-vis de nous les intérêts et les dispositions des deux grands partis qui se disputent le gouvernement de l’empire britannique.

Ces questions sont parfaitement éclaircies par l’histoire. L’Angleterre nous a fait la guerre depuis un demi-siècle pour de grands intérêts ; ces intérêts subsistent-ils aujourd’hui ? Lorsque l’Angleterre nous déclara la guerre en 1793, elle alléguait de puissantes raisons, et je crois qu’elle était tout-à-fait sincère dans l’appréciation du motif par lequel elle fut déterminée. Qu’on le remarque : elle fut la dernière des puissances principales de l’Europe à rompre avec nous ; elle attendit jusqu’à la mort de Louis XVI. Le motif prépondérant qui la décida fut la crainte de la propagande révolutionnaire ; les écrits et les discussions parlementaires de cette époque ne permettent pas d’en douter ; ce qui le prouve plus fortement encore, c’est la scission qui s’opéra dans le parti whig. Ce furent des whigs, les partisans les plus convaincus et les plus dévoués de la constitution anglaise, qui témoignèrent,