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C’est en 1821 qu’éclata l’insurrection de la Grèce, en 1822 que le congrès de Vérone, ce congrès chrétien, refusa même d’entendre ses délégués, en 1826 que la Russie, la France et l’Angleterre offrirent leur médiation, en 1827 qu’un traité intervint et qu’eut lieu la bataille de Navarin ; en 1828 que Capo-d’Istrias vint se mettre à la tête du gouvernement, et que l’armée française contraignit Ibrahim à évacuer la Morée, en 1830 que fut signé le protocole par lequel les limites de la Grèce étaient fixées et son indépendance reconnue, en 1832 que la fameuse conférence du 7 mai étendit quelque peu les limites du nouvel état, et lui donna pour roi le fils du roi de Bavière ; c’est enfin en 1835 que le roi Othon, devenu majeur, prit lui-même les rênes du gouvernement. Or, pendant ces quatorze années, il ne s’en passa pas une où la guerre civile n’ajoutât ses désastres à ceux de la guerre étrangère, pas une où les divers élémens qui avaient concouru à l’insurrection et à la victoire ne se livrassent entre eux des combats acharnés, pas une aussi où, sous le nom tantôt d’un parti, tantôt de l’autre, les influences étrangères ne se disputassent, aux dépens du pays tout entier, une déplorable prépondérance. Ce sont encore, à vrai dire, les divisions et les haines de cette époque qui sont aujourd’hui le plus grand obstacle à l’établissement d’un gouvernement régulier. Pour comprendre la Grèce de 1844, il faut donc remonter à la Grèce de 1824 et de 1830 ; c’est un chemin un peu long, un peu ennuyeux peut-être mais par lequel il me parait indispensable de passer.

Les populations qui, de 1821 à 1827, luttèrent avec tant de constance et d’intrépidité contre le joug ottoman, peuvent d’abord se diviser en trois catégories : les Péloponésiens, peuple d’agriculteurs, en général, et peu disposé à s’armer, quand son bien-être matériel n’est pas compromis ; les Rouméliotes, peuple aventureux et guerrier ; les insulaires, peuple commerçant et calculateur. À ces différences, territoriales en quelque sorte, il convient d’en joindre une autre, celle d’origine et de race. Ainsi, à côté des Hellènes, il y avait les Albanais, qui formaient à peu près le tiers de la population en Roumélie, le cinquième dans le Péloponèse et dans les îles. Il y avait aussi quelques Valaques, quelques Serbes, quelques Bulgares, mais en petit nombre. Ce n’est pas tout. A peine la lutte fut-elle engagée que, de tous les pays où la langue grecque se parle encore de Constantinople des îles Ioniennes, des provinces asiatiques, des principautés danubiennes, une foule d’alliés accoururent avec leurs préjugés, avec leurs prétentions. Les philhéllènes russes, français et anglais