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les modérer, de les éclairer, et de tourner même leurs défauts au profit de la bonne cause.

Au premier coup d’œil, on croirait qu’entre les primats du Péloponèse et les capitaines des palikares rouméliotes la différence est petite ; elle est pourtant très-considérable. Avant la révolution ces primats, véritable aristocratie vivaient au milieu de la population agricole du Péloponèse, à peu près comme les seigneurs du moyen-âge au milieu de leurs paysans. Seulement ils se divisaient en deux classes, ceux qui se bornaient à exploiter leurs terres, et ceux qui, se faisant les agens des pachas opprimaient leurs concitoyens pour le compte des Turcs. Tous néanmoins participèrent à l’insurrection, mais avec la résolution bien arrêtée de conserver leurs privilèges et leur domination. Aussi ceux qui voulaient asservir la Grèce par l’anarchie trouvèrent-ils toujours parmi les primats les plus fidèles alliés. Il est juste d’ailleurs de faire une place à part aux primats de cette partie du Péloponèse qui en forme la pointe et qu’on appelle le Magne. C’est dans le Magne, contrée montagneuse et aride, que s’était réfugiée la portion la plus belliqueuse de la population, celle qui prétend descendre des anciens Spartiates, et les Turcs n’y avaient jamais pénétré. Seulement ils venaient tous les ans, à la limite du Magne, recevoir un faible tribut. Entre les Mainotes et leurs primats, il s’était ainsi établi des liens beaucoup plus étroits que dans le reste du Péloponèse. Quant aux primats des îles, à ceux notamment d’Hydra et de Spezia, leur origine était toute populaire, et leur autorité fondée uniquement sur la confiance qu’ils inspiraient, mais plus éclairés, plus civilisés, plus européens en un mot que les primats du Péloponèse ou les capitaines palikares, ils avaient naturellement de hautes prétentions, et ces prétentions, précisément parce qu’elles étaient légitimes, excitaient contre eux d’implacables jalousies. Parmi les primats des îles, le nom le plus connu est celui de Conduriotti, comme parmi ceux du Péloponèse et du Magne les noms de Colocotroni et de Mauromichali.

Restent enfin d’une part les comtes ioniens, créés par les Vénitiens et au nombre desquels on compte les trois Capo-d’lstrias et M. Metaxas ; de l’autre, les princes du Fanar ; Chacun sait que les princes du Fanar, établis de temps immémorial au pied de Constantinople, le long de la Corne d’or, étaient, avant la révolution, en possession de diriger les affaires diplomatiques de la Turquie. Riches et considérés, beaucoup d’entre eux n’en quittèrent pas moins leur maison et leur famille pour venir s’associer aux difficultés de la lutte. C’est ce noble exemple que donnèrent les Ipsilanti, les Soutzo, les Caradja,